Première fable du livre VII et du deuxième recueil publié en 1668, la fable <em>Les Animaux malades de la peste</em> est une des plus célèbres de La Fontaine. Ce dernier en puise le thème dans la tradition médiévale, déjà utilisée au XVIème siècle par Haudent (<em>Apologues</em>, 1547, II, 60) et par Guéroult (<em>Emblèmes</em>, 1550, XV), dont La Fontaine se rapproche le plus dans cette fable : on trouve en effet un loup et un renard qui se confessent l'un l'autre, qui s'entrepardonnent, puis dévorent d'un commun accord le pauvre âne, sous couleur d'une légère faute qu'il dit avoir commise. L'idée d'introduire le roi et de réunir tous les animaux en un conseil, motivé par la peste, est cependant de La Fontaine seul, ce qui donne à sa fable une portée politique qu'elle n'avait pas jusqu'à lui : il paraît évident de prime abord qu'il s'agit de montrer l'arbitraire de la justice royale. Mais les choses se compliquent si l'on considère que cette justice est incarnée par le lion, allégorie transparente du roi.
Or comment La Fontaine peut-il faire la satire de la justice de Cour, alors que lui-même vit aux dépens du roi ? Qui plus est, cette fable fait inévitablement penser au <em>Loup et L'agneau</em> du livre I : on retrouve ici une remise en cause de l'injustice des forts envers les faibles. La Fontaine aurait-il donc écrit deux apologues qui vont strictement dans le même sens ? Qu'apporte la substitution de l'âne à l'agneau et du lion et de son conseil au loup solitaire ? (...)
[...] La Fontaine aurait-il donc écrit deux apologues qui vont strictement dans le même sens ? Qu'apporte la substitution de l'âne à l'agneau et du lion et de son conseil au loup solitaire ? LECTURE LINÉAIRE : Structure de la fable Ŕ v.1-14 : évocation de la peste (situation initiale) Ŕ v.15-62 : le conseil royal (élément perturbateur, actions) Ŕ v.62 : le sacrifice de l'âne (élément de résolution) Ŕ v.63-64 : morale schéma traditionnel avec déroulement chronologique et logique Un mal qui répand la terreur, Mal que le Ciel en sa fureur Inventa pour punir les crimes de la terre, La peste (puisqu'il faut l'appeler par son nom), Capable d'enrichir en un jour l'Achéron1, Faisait aux animaux la guerre fleuve des Enfers dans la mythologie grecque (par métonymie, les Enfers) La peste, incarnation du Mal Ŕ L'usage du présent de vérité générale ou d'actualité dans la proposition relative du vers rappelle que la peste est un mal très présent au XVII siècle, aussi bien qu'au MoyenÂge : le XVIIème siècle a connu en effet quatre grandes épidémies de peste qui ont fait plus de victimes en France. [...]
[...] Les pluriels les animaux et ces gens-là attestent bien cette volonté d'opposer deux classes et de donner au crime du roi la valeur positive d'un acte de résistant et de libérateur contre les oppresseurs (cf. chimérique empire qui sont l'objet de la haine des animaux. La confession du renard n'en est donc pas une : il se contente de donner son absolution au roi avec beaucoup d'emphase. La Fontaine développe donc ici un discours qui dévoile l'hypocrisie, l'habileté et la finesse du renard : le renard emploie les mêmes procédés pour parler du roi que ce dernier avait fait à son endroit et ce dans le même but de détourner l'accusation de sa personne. [...]
[...] Exemple : Vous êtes mon lion superbe et généreux. (Hernani, III,4 de Victor Hugo). Ŕ En assignant d'emblée au loup et au renard la fonction de pourchasser les innocents, le fabuliste prépare la suite du récit : l'âne fera bientôt lui aussi partie du lot des victimes innocentes. Bilan de cette première partie de la fable Ŕ En véritable poète, La Fontaine multiplie les procédés littéraires et poétiques (registres littéraires, procédés stylistiques, jeux sur les sonorités, effets rythmiques et métriques ) pour rendre sensibles les ravages tragiques et pathétiques causés par la peste. [...]
[...] dévouement : au sens étymologique, consécration aux dieux d'une victime innocente pour exorciser le mal 8. ne nous flattons donc point : ne nous embellissons pas, ne soyons pas indulgents envers nous, ne nous ménageons pas 20 Une prise de parole royale très habile Ŕ v.15-33 : tirade du lion, construite en deux parties : o v.15-24 : le lion, comme Œdipe dans la tragédie de Sophocle, ordonne une enquête : il faut désigner le coupable en jugeant de la plus grande faute afin de purger la souillure et le lion suggère que le plus coupable se sacrifie pour mettre fin à la peste. [...]
[...] Rejet : procédé métrique qui consiste dans le débordement d'une phrase sur le vers suivant (comme pour un enjambement), mais avec une pause juste après le début du vers, ce qui permet de mettre en relief cet élément court. Exemple du début d'Hernani (1830) de Victor Hugo : Serait-ce déjà lui ? C'est bien à l'escalier Dérobé. Nota bene : ce rejet célèbre témoigne ici de la volonté romantique de briser le carcan du vers classique et d'insuffler une grande liberté dans le vers afin d'être au plus près du langage parlé. [...]
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