L'extrait étudié se situe vers la fin du roman, avec la descente aux enfers des héros et l'échec de leur lutte.
Hemmelrich, un personnage secondaire qui ne s'était pas engagé dans la lutte révolutionnaire pour préserver sa famille, se lance désespérément dans l'action après le massacre de sa femme et de son enfant.
Dans une scène dramatisée, entre épique et tragique, Malraux évoque le retournement de son destin. Dans un état second, choqué par la perte des siens, Hemmelrich combat et attend l'ennemi, prêt à tuer ou à mourir (...)
[...] Hemmelrich se sentait au fond d'un trou, fasciné moins par cet être si lent qui s'approchait comme la mort même, que par tout ce qui le suivait, tout ce qui allait une fois de plus l'écraser ainsi qu'un couvercle de cercueil vissé sur un vivant ; c'était tout ce qui avait étouffé sa vie de tous les jours, qui revenait là pour l'écraser d'un coup. Ils m'ont pilonné pendant trente-sept ans, et maintenant ils vont me tuer. Ce n'était pas seulement sa propre souffrance qui s'approchait, c'était celle de sa femme éventrée, de son gosse malade assassiné : tout se mêlait, en un brouillard de soif, de fièvre et de haine. De nouveau, sans la regarder, il sentit la tâche de sang de sa main gauche. [...]
[...] B - Un temps distendu Le temps semble étiré, avec une impression de ralenti qui dramatise la scène. La progression du soldat ennemi semble sans fin, comme l'indique l'expression cet être si lent 8). On note l'utilisation de l'imparfait qui évoque une action qui dure. Ce ralenti dans la progression de l'ennemi est souligné par un champ lexical évoquant l'étirement du temps : continuait à , s'approchait pas à pas 31). L'attente semble finir avec l'adverbe enfin : l'homme allait enfin sortir de ses barbelés 16). [...]
[...] Au trajet du soldat ennemi dans l'espace, à son avancée progressive et lente, dans une sorte de ralenti cinématographique, répond et s'oppose le cheminement intérieur d'Hemmerlich, cheminement intérieur qui le fait passer, en l'espace de quelques secondes, du statut de victime au statut de héros tragique : il décide d'aller à la rencontre de son destin, en tuant un ennemi pour se purifier du massacre de sa famille et des humiliations endurées. La violence intérieure du personnage et la lente accumulation de haine explose en une action rapide et brutale. Il y a un contraste saisissant entre la montée progressive de l'angoisse et le passage à l'acte. En un brouillard de soif, de fièvre et de haine C'était la fin. Derrière, la rue et la mitrailleuse. Là-haut, Katow et ses hommes, par terre. [...]
[...] Il n'était plus un homme, il était tout ce dont Hemmelrich avait souffert jusque-là. Dans ce couloir noir, avec ces mitrailleurs embusqués au-delà de la porte et cet ennemi qui s'approchait, le Belge devenait fou de haine, et il lui semblait que le sang des siens n'était plus une tache sur sa main, mais encore liquide et chaud. Ils nous auront tous fait crever toute notre vie, mais celui-là l'essuiera, il l'essuiera L'homme approchait, pas à pas, la baïonnette en avant. [...]
[...] Le motif du sang est récurrent avec la tache de sang qui symbolise le massacre de sa famille : - De nouveau, sans la regarder, il sentit la tâche de sang de sa main gauche 15/17). - il lui semblait que le sang des siens n'était plus une tache sur sa main, mais encore liquide et chaud ( l 28). La spirale de la violence est en place avec le sang qui appelle le sang (cf Le Cid) Une vengeance collective C'est aussi une vengeance au nom du collectif, avec une hostilité politique et raisonnée. [...]
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