Jean de La Bruyère (1645-1696), auteur classique, savant et philosophe, est avant tout un observateur de ses semblables. Dans Les Caractères (1688), recueil satirique de portraits et de maximes, il pénètre l'âme humaine en critiquant la société contemporaine au niveau politique et comportemental. Dans le chapitre « de la cour » dont est extrait ce passage, il dénonce le règne des apparences et la course aux honneurs. En quoi ce passage est-il exemplaire de la démarche du moraliste ? Nous verrons tout d'abord qu'il critique les gouvernants à travers un portrait acerbe de deux ministres, puis qu'il nous livre une vision pessimiste de leur administration de l'Etat.
I. Une critique des gouvernants :
a) Précipitation :
Pour prouver à quel point les ministres sont affairés, La Bruyère accumule quatre substantifs « l'empressement, l'inquiétude, la curiosité, l'activité » (l.3/4) qui, mis bout à bout, nous les représentent en perpétuel « mouvement » (l.4). La gradation ternaire « assis », « fixes » et « arrêtés » est démentie par l'adverbe « jamais » répété deux fois à la ligne 2, puis repris à la ligne 13. Ces procédés renforcent l'idée qu'ils ne restent pas en place, idée soulignée encore par l'opposition entre « marcher », ce qu'ils ne font pas, et « courir » voire « parler en courant » comme « on les voit » (l.5) faire quotidiennement. Cette exaltation se retrouve plus loin dans le verbe de mouvement « se lancer » et l'adverbe de manière qui lui est associé « impétueusement » (l.11). L'emploi du conditionnel « pourrait », « exprimerait » (l.3) et « saurait » (l.4) souligne à quel point il semble difficile de faire le portrait des deux ministres tant ils courent sans cesse à seule fin d'être vus. (...)
[...] Ils mènent donc grand train, se fatiguent à tourner en tout sens et ne parviennent finalement qu'à s'avancer médiocrement (l. 16) c'est-à-dire à mener une carrière moyenne. En répétant tous deux aux lignes 17/18, La Bruyère accentue ce cuisant échec puisque pas un ministre ne rattrape l'autre. Conclusion : En conclusion, cet extrait est représentatif de la démarche moraliste de La Bruyère en ce qu'il évoque les vices et les ridicules des Grands par un portrait satirique et un constat d'échec cuisant. [...]
[...] La phrase de la ligne 6 à 10, délibérément longue, a une valeur imitative. Ainsi, le lecteur retient son souffle en la lisant et se trouve malgré lui entraîné à son tour dans cette folle poursuite. Ces deux procédés impliquent le lecteur dans une même observation établissant alors un lien de complicité avec le moraliste. En faisant lui-même l'expérience de cette instabilité, il rejette cette agitation de Cour et se rapproche de l'idéal de l'honnête homme souhaité par le moraliste. [...]
[...] 16) pour mieux ensuite les dépeindre par les termes péjoratifs peu entreprenants légers et précipités (l.17). Orgueil : Dès la première ligne, leur extrême orgueil est mis en relief par la répétition de l'adjectif seuls Ainsi, donnent-ils l'apparence la question rhétorique ne croirait-on pas nous amène à le penser qu'ils souhaitent montrer l'importance de leur charge. L'auteur suggère dans un rythme binaire que si l'un s'occupe des affaires de terre (l. et l'autre, des maritimes cela signifie qu'à eux deux, ils ont en charge les affaires de l'Etat en son entier, l'aérien n'existant alors pas. [...]
[...] En quoi ce passage est-il exemplaire de la démarche du moraliste ? Nous verrons tout d'abord qu'il critique les gouvernants à travers un portrait acerbe de deux ministres, puis qu'il nous livre une vision pessimiste de leur administration de l'Etat. I. Une critique des gouvernants : Précipitation : Pour prouver à quel point les ministres sont affairés, La Bruyère accumule quatre substantifs l'empressement, l'inquiétude, la curiosité, l'activité (l.3/4) qui, mis bout à bout, nous les représentent en perpétuel mouvement (l. [...]
[...] D'ailleurs la manière d'interroger, sans attendre de réponse (l. nous dépeint des ministres qui, dans leur course effrénée, oublient d'écouter. Leur attitude est presque automatique puisqu' à l'instar d'une machine, rien ni personne ne semble pouvoir les arrêter sans se mettre en péril (l.12). L'auteur multiplie les injonctions à l'impératif ne les retardez pas (l. ne leur faites pas (l. donnez-leur (l. pour avancer l'idée que tout essai de les ralentir peut même s'avérer dangereux car en démontant leur machine (l. [...]
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