On ne connaît guère La Boétie que pour l'amitié qui le lia à Montaigne et pour le Discours de la servitude volontaire, qui surprend toujours du fait qu'il fut écrit par un étudiant de dix-huit ans, achevé en 1548. Il fut publié intégralement en 1576, parfois sous le titre de Contr'un, et récupéré par les monarchomaques protestants, ce qui dissuada Montaigne de l'intégrer à ses Essais, qu'il destinait à lui servir d' « écrin » après la mort précoce de La Boétie à trente-trois ans. Ce discours présente avec éloquence la critique de la tyrannie : bien que le sujet soit assez traditionnel et révèle l'humanisme d'un jeune homme nourri de culture gréco-latine, cette critique détonne par l'hypothèse faite de la « servitude volontaire » des peuples, expression paradoxale, comme condition de possibilité de la tyrannie et de sa pérennité. Après avoir montré, au début du discours, que la liberté est dans la nature de l'homme, La Boétie donne en effet comme cause de l'abandon de celle-ci au tyran la volonté de la population elle-même. Nous verrons donc dans un premier temps que ce discours s'adresse au peuple pour lui montrer que sa servitude est volontaire et maintient le pouvoir du tyran ; ensuite nous analyserons la démonstration virulente mise en place et maniant la rhétorique du paradoxe. Nous montrerons finalement quels objectifs se dégagent de ce discours d'un humanisme fervent.
I. Un discours au peuple sur sa servitude volontaire et donc sa responsabilité dans le maintien du tyran
1) L'énonciation montre bien la force du discours
- Les marques du locuteur : elles restent discrètes. Le « je » n' est employé que deux fois, l. 5 et 30, et l'orateur est inclus dans le possessif « nos villes », l. 18. Cette rareté donne à entendre le discours comme une expression peu subjective, avec un tour presque dogmatique : le locuteur trouve ainsi une force impersonnelle, générale. Les modalisateurs sont peu utilisés (« Il semble + conditionnel », l. 13). Le 1er paragraphe présente un point de vue objectif en même temps qu'une réflexion générale, signalée par les déterminants définis, et les expressions qui globalisent : « l'homme hardi » (l.1), « les hommes » (l. 5), « aux sages » (l. 4) (...)
[...] Un discours au peuple sur sa servitude volontaire et donc sa responsabilité dans le maintien du tyran L'énonciation montre bien la force du discours - Les marques du locuteur : elles restent discrètes. Le je n' est employé que deux fois, l et 30, et l'orateur est inclus dans le possessif nos villes l Cette rareté donne à entendre le discours comme une expression peu subjective, avec un tour presque dogmatique : le locuteur trouve ainsi une force impersonnelle, générale. [...]
[...] 27) expliqués par La Boétie renvoient à une explication de l'auteur de La Politique : Appauvrir les sujets est aussi un procédé propre à la tyrannie qui vise à ce qu'ils ne puissent pas entretenir de milice et que pris dans leurs tâches quotidiennes, ils n'aient aucun loisir de conspirer. (Livre Le tyran n'obéit qu'à son intérêt propre, lequel est dicté par les passions, ce que le texte développe aussi, à travers les sales plaisirs - En quête d'un régime idéal pour l'épanouissement de l'homme, La Boétie fait la critique de la tyrannie (ce qui n'est pas celle de la monarchie, envers laquelle il a toujours été loyal), à travers un portrait en creux du tyran : La Boétie aborde l'économie, la guerre et les mœurs, et sur ces trois plans, la tyrannie aboutit à la destruction du peuple. [...]
[...] Commentaire du Discours de la servitude volontaire de La Boétie (1548, publié en 1576) TEXTE : Pour acquérir le bien qu'il souhaite, l'homme hardi ne redoute aucun danger, l'homme avisé n'est rebuté par aucune peine. Seuls les lâches et les engourdis ne savent ni endurer le mal, ni recouvrer le bien qu'ils se bornent à convoiter. L'énergie d'y prétendre leur est ravie par leur propre lâcheté ; il ne leur reste que le désir naturel de le posséder. Ce désir, cette volonté commune aux sages et aux imprudents[1], aux courageux et aux couards, leur fait souhaiter toutes les choses dont la possession les rendrait heureux et contents. [...]
[...] Il s'agit de préciser pourquoi les peuples sont insensés et les nations opiniâtres à [leur] mal l ce que redisent le paradoxe Vous vivez de telle sorte que rien n'est plus à vous et comme un grand bonheur qu'on vous laissât ( ) de vos vies avec l'antithèse entre grand bonheur et seulement la moitié - Un très large éventail rhétorique et grammatical est déployé pour exprimer l'absurdité du peuple : les hypothétiques, avec irréels du présent ou avec le présent de l'éventuel (l. 19-20), les subordonnées relatives et finales : dans les deux cas le sens de la subordonnée se retourne contre celui de la principale, par exemple : A-t-il pouvoir sur vous, qui ne soit de vous-mêmes ? (l. 20-21) ; Vous vous affaiblissez afin qu'il soit plus fort ( ) la bride plus courte (l. 27-28). [...]
[...] Valeurs du présent : en dehors de celle de l'énonciation (dans l'incise je ne sais pourquoi (l. et à la fin du texte Je ne vous demande pas ce sont celles de l'habitude ou de la répétition qui finissent par devenir vérité générale, ce qui est déjà le cas dans la réflexion anthropologique du 1er Cette réflexion générale donne un statut de sage à l'orateur, avec le recul et l'intelligence qui le placent au-dessus des auditeurs, et les exemples concrets et nombreux qui viennent ensuite accréditent cette réflexion. [...]
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