La situation est désespérée : pour avoir tué Adraste, son rival et prétendant officiel auprès de la princesse Isabelle, Clindor a été condamné à mort. L'attente de son exécution est pour lui l'heure de vérité : plus rien ne compte que le souvenir d'Isabelle et la profondeur des sentiments qu'il lui porte.
I- Une scène dramatique
Lorsque Clindor a été condamné à mort, Isabelle s'est juré de ne pas lui survivre. À son long et pathétique monologue (Acte IV, scène 1) fait écho celui, non moins pathétique, de Clindor.
a- Un monologue polyphonique
Au théâtre, les comédiens doivent captiver l'attention des spectateurs grâce à leurs jeux de scène (éloquence, gestuelle...) et les auteurs doivent en faire autant. C'est ici le cas puisque Corneille fait apparaître Clindor. Le jeune homme touche le fond du désespoir, confronté à une situation des plus tragiques qui soient, et son monologue est polyphonique, composé de sa voix bien sûr et de celles d'autres personnages.
Ces autres personnages sont tous en relation avec la sentence qui lui est promise et apparaissent grâce au thème du souvenir, présent dès le premier vers : Aimables souvenirs de mes chères délices / Qu'on va bientôt changer en d'infâmes supplices (vers 1-2). Le monologue devient alors un dialogue entre les souvenirs du condamné, Isabelle et le bourreau (...)
[...] / Aussitôt que je pense à tes divins attraits, / Je vois évanouir ces infâmes portraits, vers 53 à 56). En cela, le monologue est conforme à l'esthétique baroque, avec l'opposition entre l'amour et la mort. - à la fin de la scène, c'est au tour du geôlier de faire son apparition, lorsque Clindor s'adresse à lui : Mais d'où vient que de nuit on ouvre ma prison ? / Ami, que viens-tu faire ici hors de saison ? (vers 59-60). Les interlocuteurs multiples et imaginaires du monologue contribuent à le rendre plus vivant et moins artificiel. [...]
[...] L'auteur aborde là le problème des duels : jusqu'au XIXe siècle, époque où cette valeur tomba en désuétude (le nombre de nobles ne cessant de diminuer), les nobles se battaient en duel pour défendre leur honneur. L'appauvrissement quantitatif de la noblesse amena le roi à les interdire et à condamner à la peine capitale ceux qui contrevenaient (politique de dissuasion). Cet exemple de la rigueur de la politique de Richelieu sur la peine de mort et de l'application qu'il fait de la loi sur les duels fait de cette scène une tribune politique. Le problème déborde de la pièce grâce à la double énonciation, soulignant un appel à Richelieu afin qu'il assouplisse ses lois. [...]
[...] Corneille, L'Illusion comique, Acte IV scène 7 (Le monologue de Clindor) ÉTUDE ANALYTIQUE Introduction Pierre Corneille (1606-1684) est un dramaturge français. Ses pièces font surtout écho aux tournures du Grand Siècle et il y reflète les valeurs comme l'honneur et les grandes interrogations d'alors, sur le pouvoir, la guerre civile ou la lutte pour le trône. Jusqu'à la période baroque, le théâtre est cantonné à la comédie et à la farce du Moyen-âge. Reprenant certains personnages de la commedia dell'arte, Corneille tente un renouvellement du théâtre par la tragi- comédie, genre théâtral baroque par excellence. [...]
[...] 60 Ami, que viens-tu faire ici hors de saison ? Il succomba vivant : il fut vaincu (en amour) de son vivant. Appareil : préparatifs. Ministres : exécutants (sens général) ; ici, les bourreaux. Mandements du Sénat : le jugement du tribunal. Évanouir : s'évanouir. Portraits : visions. [...]
[...] Mais le registre lyrique se matérialise aussi par de nombreuses hyperboles : délices / supplices (vers mortel effroi (vers Mille assassins (vers 28) ou encore De l'amas insolent d'un peuple qui me suit (vers 48) Enfin, l'anticipation de Clindor qui lui fait vivre et voir par avance son exécution. Le spectateur-lecteur a l'impression d'y assister et souffre avec le jeune homme. Conclusion Cette scène remplit parfaitement la mission du monologue. En effet, c'est un moment difficile au théâtre, tant pour le spectateur que pour l'auteur et le comédien, au cours duquel les deux derniers doivent maintenir l'intérêt du premier. Mais, c'est aussi un moment d'introspection au cours duquel le personnage revient sur le passé, s'interroge sur l'avenir et se questionne quant à son ressenti. [...]
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