Après leur naufrage sur une île, les maîtres Iphicrate et Euphrosine sont enjoints par Trivelin, ancien esclave et sorte de médiateur, à échanger leurs habits, nom et condition avec leurs serviteurs respectifs, Arlequin et Cléanthis. Après ce transfert des rôles, difficilement accepté par les maîtres, c'est l'épreuve des portraits, chaque serviteur étant encouragé par Trivelin à singer les traits de caractère de son ancien maître. Dans cet extrait de la scène 6, le représentant des insulaires s'est retiré pour un moment et les valets prennent le rôle des maîtres dans une parodie de scène d'amour. Arlequin, pour tromper son ennui et s'amuser un peu, prétend courtiser Cléanthis. Tous deux se promènent donc après avoir éloigné leurs anciens maîtres. Si ce jeu confère à la scène une tonalité comique, à l'intérieur de la pièce, cet amusement revêt une dimension politique et morale particulière.
I- Une déclaration caricaturale
a- Le thème traditionnel de la déclaration d'amour
La totalité de cet extrait est parcourue par un lexique caractéristique des scènes d'amour. L'adjectif tendre (lignes 6, 7 et 9), d'abord appliqué au jour puis à Arlequin, marque le passage de la conversation au domaine des sentiments qui est avéré par le champ lexical de l'amour (grâces, ligne 10 ; galant, ligne 15 ; douceurs, ligne 15 ; compliments, ligne 16 ; aimez, ligne 18 ; coquet, ligne 19) et une abondance d'images et de métaphores qui soulignent le double thème de l'amour et de la galanterie. De plus, le recours permanent aux exclamations et interrogations témoigne d'une expression amplifiée des sentiments (...)
[...] T E X T E Scène 6 Cléanthis, Iphicrate, Arlequin, Euphrosine. [ ] ARLEQUIN, à Iphicrate. - Qu'on se retire à dix pas. Iphicrate et Euphrosine s'éloignent en faisant des gestes d'étonnement et de douleur. Cléanthis regarde aller Iphicrate, et Arlequin, Euphrosine. ARLEQUIN, se promenant sur le théâtre avec Cléanthis. - Remarquez- vous, Madame la clarté du jour ? CLÉANTHIS. - Il fait le plus beau temps du monde ; on appelle cela un jour tendre. ARLEQUIN. - Un jour tendre ? Je ressemble donc au jour, Madame. [...]
[...] CLÉANTHIS. - Comment, vous lui ressemblez ? ARLEQUIN. - Eh, palsambleu ! le moyen de n'être pas tendre, quand on se trouve 10 tête à tête avec vos grâces ? (À ce mot il saute de joie.) Oh ! oh ! oh ! oh ! CLÉANTHIS. - Qu'avez-vous donc ? vous défigurez notre conversation. [...]
[...] Si ce jeu confère à la scène une tonalité comique, à l'intérieur de la pièce, cet amusement revêt une dimension politique et morale particulière. Une déclaration caricaturale Le thème traditionnel de la déclaration d'amour La totalité de cet extrait est parcourue par un lexique caractéristique des scènes d'amour. L'adjectif tendre (lignes et d'abord appliqué au jour puis à Arlequin, marque le passage de la conversation au domaine des sentiments qui est avéré par le champ lexical de l'amour (grâces, ligne 10 ; galant, ligne 15 ; douceurs, ligne 15 ; compliments, ligne 16 ; aimez, ligne 18 ; coquet, ligne 19) et une abondance d'images et de métaphores qui soulignent le double thème de l'amour et de la galanterie. [...]
[...] ce n'est rien : c'est que je m'applaudis. CLÉANTHIS. - Rayez ces applaudissements, ils nous dérangent. (Continuant.) Je savais bien que mes grâces entreraient pour quelque chose ici. Monsieur, vous êtes 15 galant, vous vous promenez avec moi, vous me dites des douceurs ; mais finissons, en voilà assez, je vous dispense des compliments. ARLEQUIN. - Et moi, je vous remercie de vos dispenses. CLÉANTHIS. - Vous m'allez dire que vous m'aimez, je le vois bien ; dites, Monsieur, dites ; heureusement on n'en croira rien. [...]
[...] L'Île des esclaves est une comédie en un seul acte de 11 scènes rédigées en prose, représentée pour la première fois en mars 1725. Utilisant le décor d'une île, cadre initié par le traité philosophique Utopia de Thomas Moore en 1516, elle constitue un instrument de critique indirect de la société contemporaine, de ses dysfonctionnements et de ses travers. Elle repose sur une originalité dramatique, prenant la relation qui unit le maître et son serviteur, et est d'autant plus audacieuse qu'elle montre des relations de servitude renversées : sur l'île qu'il imagine, l'auteur offre à ses contemporains le contraire de ce qu'ils observent dans leur univers social. [...]
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