L'Île des esclaves est une comédie en un seul acte de 11 scènes rédigées en prose, représentée pour la première fois en mars 1725. (...) La pièce présente plusieurs caractéristiques propres au genre : les personnages grecs, le naufrage ainsi que le caractère d'Euphrosine tendent vers la tragédie. Mais il s'agit bien d'une comédie : confusion des sentiments, échanges de pouvoir entre maîtres et valets, l'aspect résolument comique du personnage d'Arlequin et enfin une conclusion qui retourne à la situation initiale avec la reprise du pouvoir par les maîtres, particulièrement propre à la comédie.
Après leur naufrage sur une île, les maîtres Iphicrate et Euphrosine sont enjoints par Trivelin, ancien esclave et sorte de médiateur, à échanger leurs nom, habits et condition avec leurs serviteurs respectifs, Arlequin et Cléanthis. Pendant cette expérience, les valets ont pardonné aux maîtres leur cruauté tandis que ceux-ci ont pris conscience de leurs souffrances et de leurs conditions inhumaines de travail. Dans cette courte scène de dénouement, Trivelin rencontre une dernière fois les maîtres et les serviteurs.
I- L'importance des personnages
a- Trivelin
Disparu depuis la scène 5 lorsqu'il avait invité Arlequin à faire également l'examen du caractère de son maître et que la situation lui échappait (parodie de scène amoureuse et tentative de séduction des maîtres par les valets), il réapparaît, assurant ainsi la continuité de son engagement paternel et pédagogique auprès des serviteurs par :
- de la sollicitude bienveillante : Que vois-je ? vous pleurez (ligne 1) (...)
[...] T E X T E Scène 11 Trivelin et les acteurs précédents. TRIVELIN. - Que vois-je ? vous pleurez, mes enfants, vous vous embrassez ! ARLEQUIN. - Ah ! vous ne voyez rien, nous sommes admirables ; nous sommes des rois et des reines. [...]
[...] En fin finale, la paix est conclue, la vertu a arrangé tout cela ; il ne nous faut plus qu'un bateau et un batelier pour nous en aller : et si vous nous les 5 donnez, vous serez presque aussi honnêtes gens que nous. TRIVELIN. - Et vous, Cléanthis, êtes-vous du même sentiment ? CLÉANTHIS, baisant la main de sa maîtresse. - Je n'ai que faire de vous en dire davantage, vous voyez ce qu'il en est. ARLEQUIN, prenant aussi la main de son maître pour la baiser. - Voilà aussi mon 10 dernier mot, qui vaut bien des paroles. [...]
[...] L'Île des esclaves est une comédie en un seul acte de 11 scènes rédigées en prose, représentée pour la première fois en mars 1725. Utilisant le décor d'une île, cadre initié par le traité philosophique Utopia de Thomas Moore en 1516, elle constitue un instrument de critique indirect de la société contemporaine, de ses dysfonctionnements et de ses travers. Elle repose sur une originalité dramatique, prenant la relation qui unit le maître et son serviteur, et est d'autant plus audacieuse qu'elle montre des relations de servitude renversées : sur l'île qu'il imagine, l'auteur offre à ses contemporains le contraire de ce qu'ils observent dans leur univers social. [...]
[...] Ce lien affectif est d'ailleurs renforcé par le thème du baiser qui parcourt la scène, que ce soit celui constaté et commandé par un Trivelin paternel à ses enfants (vous vous embrassez, ligne 1 ; Embrassez-moi aussi, ligne 11) ou celui voulu par les valets qui reprennent, cette fois volontairement, une attitude de soumission qui leur était auparavant imposée avec violence et mis en évidence par les seules didascalies de la scène (baisant la main de sa maîtresse, ligne 7 et prenant aussi la main de son maître pour la baiser, ligne 9). Les maîtres et les valets À l'exception d'Arlequin, Trivelin désigne les trois autres personnages de manière identique par leur véritable identité (lignes 6 et s'adressant à eux dans chacune de ses répliques par le vouvoiement. Les maîtres se caractérisent par une présence scénique muette. [...]
[...] De fait, tout autant que ce dernier, les maîtres semblent avoir profité de la leçon. Cependant, de nombreux éléments légers assurent la continuité du climat de comédie au dénouement de la pièce : La présence d'Arlequin Seul personnage à ne pas être nommé par Trivelin, il compense cette carence en signalant particulièrement sa présence par des maladresses de langage (En fin finale, ligne et une suffisance qui s'approprie un lexique réservé à la noblesse, notamment avec le pluriel de majesté (nous sommes admirables, ligne 2 ; nous sommes des rois et des reines, lignes 2-3 ; la paix est conclue, ligne 3 ; la vertu, ligne 3 ; presque aussi honnêtes gens que nous, ligne 5). [...]
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