Écrivain, cinéaste, scénariste et dramaturge, J.C. Grumberg appartient à la seconde génération des auteurs qui se sont intéressés à la question juive après la Seconde Guerre mondiale, une partie de sa famille ayant été décimée pendant cette période. Son théâtre assez moderne rompt avec les procédés traditionnels de la dramaturgie, mais aussi avec le théâtre de l'absurde, car les dialogues gardent une fonction fondamentale.
L'Atelier, pièce créée en 1979, est son oeuvre la plus connue, où transparaissent beaucoup d'éléments autobiographiques puisque Grumberg est issu d'une famille de tailleurs juifs et que toute l'action de la pièce se déroule dans un atelier de confection. C'est une pièce en dix tableaux comportant chacun un titre, et dont l'intrigue s'étend sur 7 années, de 1945 à 1952, avec beaucoup d'ellipses et avec les mêmes personnages, excepté le presseur qui quitte l'atelier lors de la scène 5. Ces 10 tableaux cherchent à montrer des personnages marqués par le traumatisme de la guerre, et qui tentent néanmoins de reconstruire leur vie, en essayant de comprendre le caractère inconcevable de ce passé si lourd et si proche. Mais leurs parcours et leur vécu très différents procurent une grande intensité dramatique, où le non-dit, la suggestion et la culpabilité jouent tout autant que le dialogue.
La première scène présente un dialogue qui semble pris sur le vif entre Hélène, la patronne, d'origine allemande, et Simone, une mère de famille qui vient d'arriver dans l'atelier et qui est à « l'essai ». Puis on voit progressivement arriver les autres personnages de la pièce.
Nous essaierons de montrer ce qui fait de cette scène une exposition à la fois moderne et originale.
Ce passage présente donc une exposition en deux temps, mais joue aussi sur le contraste entre le poids du passé et la réalité présente. (...)
[...] Elle est du reste la seule à s'intéresser au travail de Simone. La présentation des autres personnages, beaucoup plus théâtrale : dans la seconde partie de ce passage, il y a beaucoup plus de mouvements, grâce à l'arrivée des autres ouvrières de l'atelier. Les arrivées, les gestes, les mimiques sont nombreux et variés et nous indiquent déjà des différences. Il y a très peu de dialogues alors que les didascalies sont importantes, contrairement à la première partie, mais les rares répliques en dehors des salutations d'usage sont souvent des propos où plane une certaine agressivité, des piques Gisèle et Madame Laurence la seule madame - sont les plus âgées, les plus jeunes arrivent ensuite, Marie et Mimi. [...]
[...] Jean Claude Grumberg (né en 1949), L'Atelier (1979), scène L'Essai extrait. Scène 1 L'Essai Un matin très tôt de l'année 1945. Simone assise en bout de table, dos au public, travaille. Debout près d'une autre table, Hélène, la patronne, travaille également. De temps en temps, elle jette un œil sur Simone. Hélène : Ma sœur ils l'ont prise en quarante-trois . Simone: Elle est revenue ? Hélène : Non . elle avait vingt-deux ans. (Silence.) Vous étiez à votre compte ? [...]
[...] Dès que Mimi commence à travailler madame Laurence en éloignant légèrement son tabouret lui dit : Madame Laurence : Vous allez m'éborgner un jour . Mimi ne relève pas, elle travaille. Silence. Gisèle chantonne machinalement. Hélène : Ça va bien aujourd'hui, madame Gisèle ? Gisèle (Surprise) : Moi ? Non, pourquoi ? Hélène : Comme je vous entends chantonner . Gisèle : Moi ? Je chantonne pas, madame Hélène, j'ai pas le cœur à ça, surtout ces temps-ci . [...]
[...] Gisèle : T'es encore tombée du lit ce matin ? Mimi tout en enfilant sa blouse répond d'un signe de la main qui semble dire : Ne m'en parle pas. Hélène alors la présente : Hélène : Mademoiselle Mimi . Madame Simone. Simone sourit à Mimi. Mimi tout en s'asseyant tend cérémonieusement la main à Simone. Celle-ci plante son aiguille dans sa pièce et lui serre la main, gênant ainsi Marie qui râle. Mimi jette un coup d'œil dédaigneux à Marie mais ne prononce pas un mot. [...]
[...] Simone : Oui, juste mon mari et moi, en saison on prenait une ouvrière . ? J'ai dû vendre la machine le mois dernier, il pourra même pas se remettre à travailler . J'aurais pas dû la vendre mais . Hélène : Une machine ça se trouve . Simone : (approuve de la tête). J'aurais pas dû la vendre . On m'a proposé du charbon et . Hélène : Vous avez des enfants ? Simone : Oui, deux garçons . [...]
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