Le Palais Brongniart
La question de l'argent dans le roman de Zola est organisée autour du Palais Brongniart (du nom de l'architecte qui le conçut, à la demande de Napoléon 1er). Commencé en 1807, il ne fut achevé qu'en 1825. Lieu, et première place boursière internationale dans les années 1860, des transactions financières à Paris au XIXème siècle, cet édifice structure le roman.
1) Description détaillée
A) La description extérieure (chapitre I) est faite du point de vue de Saccard, exclu des affaires, et dévoré du désir de participer à la spéculation. Dans la dernière partie du chapitre, le Palais est vu à vol d'oiseau, par Sigismond et Saccard. Il semble alors à Saccard étrangement minuscule et le grouillement qui l'anime évoque celui d'une fourmilière.
Cette double perspective est significative de l'importance de l'activité financière, concentrée en cet endroit, et du magnétisme qu'elle exerce sur les protagonistes du roman, qu'ils soient des professionnels de la spéculation, des usuriers louches ou des amateurs ignorants. Rien ni personne dans le roman n'échappe à l'attraction de ce centre « vital » de la Bourse. Même Sigismond, dont toute l'énergie est consacrée à spéculer sur une société collectiviste, voit en la Bourse la préfiguration de l'édifice collectif dont il espère l'avènement dans la société future, comme «grenier d'abondance ».
B) La description intérieure (Chapitre X) est faite avec une précision rigoureuse. Les différents espaces réservés aux activités spécifiques des agents de la finance y sont évoqués au moment du sommet dramatique du récit : l'apothéose de l'Universelle, dont les actions dépassent le cours des « trois mille », puis le retournement de la situation en désastre le même jour.
2) Une institution légale et respectable
A) Dans les deux descriptions, la Bourse apparaît au lecteur comme un lieu conçu selon des règles architecturales et fonctionnelles très strictes, qui symbolisent le caractère hautement codifié des échanges d'argent. Chaque espace correspond à une fonction et à une compétence, auquel ne peuvent accéder que les personnes dûment autorisées : ainsi on distingue la corbeille où évoluent les agents de change, séparés par une rampe de la coulisse où travaillent les remisiers. (...)
[...] p.165) Or, c'est faux : Sabatini est un prête-nom, et ni Saccard, ni Hamelin, par ignorance, n'ont versé le quart exigible de leurs actions. Lors de la troisième augmentation de capital, qui le porte de cent à cent cinquante millions, le conseil d'administration approuve toutes les décisions sans se préoccuper de la réalité des chiffres (ch.VIII, p.312-313). L'assemblée générale extraordinaire, qui se tient trois jours plus tard se déroule dans le même consensus. Après lecture de la comptabilité par Lavignière, qui annonce des bénéfices nets de 36 millions pour l'année en cours reçoit l'approbation générale. D'ailleurs, les actionnaires n'écoutaient pas. [...]
[...] p.60) L'édifice de la Bourse est le symbole de l'idéologie capitaliste du second Empire. Sigismond y voit, dans l'avenir collectiviste dont il se tue à élaborer les principes, lorsque l'Etat l'aura expropriée, devenu logiquement l'unique et universelle banque de la nation l'entrepôt public de nos richesses trop grandes, un des greniers d'abondance où nos petits-fils trouveront le luxe de leurs jours de fête ! p.57 ; cf. aussi p.27). La Bourse et le théâtre Zola évoque le désir que la Bourse inspire, au public comme à Saccard. [...]
[...] Il y a l'espace du télégraphe, relié au centre du palais par un escalier que montent et descendent les employés chargés de transmettre les ordres envoyés par des financiers provinciaux ou internationaux, aux agents chargés des transactions. Cette codification rigoureuse garantit matériellement la légalité de l'échange des valeurs. La Bourse fait penser d'ailleurs, par ses codes et ses espaces à un Palais de Justice. Par ailleurs, tant de technicité suggère les conceptions scientifiques très élaborées de la finance, et la Bourse inspire au public le respect et la crainte que suscite l'ignorance face à la science : Autour de lui( . [...]
[...] Des humbles logis aux hôtels aristocratiques, de la loge des concierges au salon des duchesses, les têtes prenaient feu, l'engouement tournait à la foi aveugle, héroïque et batailleuse. (VIII, p.293) Puis c'était l'avenir qui s'ouvrait devant les imaginations surchauffées, cet avenir si gros d'entreprises plus considérables encore, qu'il nécessitait la demande des cinquante millions, dont l'annonce suffisait aussi à bouleverser les cervelles. (p.293 ) La spéculation, par son caractère à la fois scientifique et insaisissable, dans la mesure où elle est coupée des réalités tangibles dont pourtant elle est l'outil, relève de l'abstraction la plus hermétique, mais aussi du désir et donc de l'imaginaire, auquel la réalité ne vient donner aucun démenti. [...]
[...] Et par les quatre angles, les quatre carrefours, il semblait que le fleuve des fiacres et des piétons augmentât, dans un enchevêtrement inextricable ( . ) p.39) Pour Saccard, elle est le symbole même de la vie : ( . ) il rêvait une fois de plus la royauté de l'or, dans ce quartier de toutes les fièvres, où la Bourse, d'une heure à trois, bat comme un cœur énorme, au milieu. p.27) La Bourse est aussi le centre vital du progrès : La trépidation, le grondement de machine sous vapeur grandissait, agitait la Bourse entière, dans un vacillement de flamme. [...]
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