On a souvent parlé d'Apollinaire comme étant « entre deux mondes ». Ainsi, Pierre Brunet a intitulé son étude « mythocritique » qu'il consacre à Apollinaire « Apollinaire entre deux mondes ». C'est en effet entre XIXe et XXe, entre l'Ancien et le Nouveau, comme entre « Ordre » et « Aventure », en avant et retournement, intimité et universalité, mythologie antique ou médiévale et modernité que le poète pose sa voix lyrique propre. Cet univers se construit dans toutes ses œuvres, mettant en avant une esthétique de la surprise, de la pluralité et de la discontinuité, très présente notamment dans son recueil Alcools, comme le souligne déjà le choix du titre au pluriel. Le poème analysé aujourd'hui s'inscrit parfaitement dans cette idée de discontinuité, mais aussi d'entre deux mondes, évoquant deux figures féminines opposées : beauté luxueuse de la femme, et beauté nouvelle, énorme, de la vie industrielle. Notons que les derniers vers du poème sont empruntés à une ébauche de Vendémiaire dont la rédaction, plus explicite, montre le poète découvrant cette beauté inconnue.
[...] L'évocation de l'épaule de la dame peut également renvoyer à une certaine sensualité de la femme, mettant néanmoins en place un érotisme discret. Ainsi se dresse un relatif paradoxe dès la fin de ce premier quintile puisque bien que le titre s'inscrive dans l'époque actuelle d'Apollinaire, il semble brouiller les pistes en donnant différents éléments rappelant des époques antérieures. Vers 6 : Les yeux dansants comme des anges La sensualité de la femme déjà perçue avec l'image de l'épaule, apparaît avec l'image énoncée au vers 6. [...]
[...] L'idée d'une éternité et d'une intemporalité de la dame peut être corroborée par le vers suivant. Vers 8 : Elle avait un visage aux couleurs de la France Association étrange entre le visage et les couleurs de la France, mais en induisant cela, ce n'est plus la Dame en tant que femme-fée près des anges, mais plutôt une Dame à la manière de Marianne, emblème de la France républicaine, porteuse des couleurs de la France et vêtue à la manière antique, avec une toge qui justement, comme la Dame, s'attache à l'épaule. [...]
[...] Apollinaire met en avant une certaine beauté de cette dame, néanmoins celle ci ne peut apparaître réelle. Par la métonymie, Apollinaire met en valeur des attributs de la femme à la manière des images de mode. Ange : aspect transcendant de la femme ou du moins son côté divin, appartient à un au delà, supériorité . Lyrisme encore par images, comparaison. Vers 7 : Elle riait elle riait. Le deuxième quintile présente plus véritablement la dame en tant que personnes vivantes comme le souligne le vers où la dame est décrite comme riante. [...]
[...] Cette couleur est elle-même chargée en signification : à Rome : le pourpre est le symbole du pouvoir et de puissance (cf. la bande pourpre porté sur la toge ou vêtement portés par les imperatores). De plus, le mot pourpre vient du grec phoinix, soit phœnix, or nous pouvons noter que le thème du phoenix est une constante dans l'œuvre d'Apollinaire. Mettre en relation dame et phénix ds ce cas Elle est ainsi symbole de puissance, mais aussi d'un certains luxe. Sous forme de teinture, elle peut être d'une permanence exceptionnelle, quasiment inaltérable. [...]
[...] Enfin, après 1850, le terme trainer renvoie à quelque chose qui se dissipe facilement. C'est le cas ici, puisqu'on sait que la mode est quelque chose de transitoire et changeant, et que cette image d'une Dame parfaite n'est qu'illusion. On voit que la première partie de ce dyptique reste très attachée à l'apparence, et ne souligne réellement que l'apparente perfection d'une dame qu'on sait inexistante, et éloignée. Se dégage alors une apparente légèreté, du peut être à une certaine inconsistance. C'est ce que semble souligner aussi le rythme générale du poème. [...]
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