Lecture analytique du prologue de Lambeaux de Charles Juliet.
[...] La mise en place de deux destinées Digne d'une pièce de théâtre, ce prologue fait songer à une scène d'exposition. En effet, l'écrivain présente les deux destinées qui seront au cœur du récit. Tout d'abord, celle de la mère prend dès le prologue la forme d'une tragédie. En effet, ce personnage est présenté comme prisonnier d'une terrible fatalité à laquelle il ne parviendra pas à s'échapper et qui aboutira inéluctablement à la mort : laisser tomber les chaînes, mais ce qui ronge, comment s'en défaire ? [...]
[...] A tes pieds, ce chien au regard vif et si souvent levé vers toi. Dehors, la neige et la brume. Le cauchemar des hivers. De leur nuit interminable. La route impraticable, et fréquemment, tu songes à un départ à une vie autre, à l'infini des chemins. Ta morne existence dans ce village. Ta solitude. Ces secondes indéfiniment distendues quand tu vacilles à la limite du supportable. Tes mots noués dans ta gorge. A chaque printemps, cet appel, cet élan, ta force enfin revenue. [...]
[...] ] et qui [ . ] a fini par t'étouffer Par ailleurs, la seconde destinée est celle du narrateur. Elle apparaît directement liée à l'écriture. Elle s'annonce comme un drame : celui de la parole face à de redoutables obstacles, au cœur desquels pèse lourdement le silence de la mère naturelle : Tes mots noués dans ta gorge Ta solitude ton incessant soliloque II/ Un portrait fragmentaire Une mère à l'identité vacillante Le portrait de la mère reste fragmentaire. En effet, sa description physique et morale se limite à deux traits : son grand regard triste et sa déchirante détresse. [...]
[...] C'est pourquoi Charles JULIET recourt au tutoiement, non seulement dans ce prologue mais aussi dans l'ensemble du récit. A travers l'emploi de ce tu le fils a pour ambition d'écrire à sa mère ce qu'elle n'a jamais reçu de son vivant : une lettre d'amour. L'écriture s'affirme donc à la fois comme un acte de piété et de dévotion à la disparue. Une fois le prologue achevé, s'ouvre le chemin vers l'adoration perpétuelle. Conclusion Ainsi, loin d'être isolé de l'ensemble du récit, ce passage s'inscrit réellement dans l'œuvre. [...]
[...] L'écriture, véritable force de vie, permet aux yeux de l'écrivain de relever les morts : Te ressusciter. Te recréer De manière paradoxale, le fils apparaît comme celui qui va enfin donner naissance à la mère : il enfantera par la magie de l'écriture, celle qui l'a physiquement mis au monde. De même, il ne revient pas à la mère d'apprendre à parler à son fils dans la mesure où elle est terrassée par une aphasie symbolique qui l'a conduite jusque dans la tombe : Ces secondes indéfiniment distendues quand tu vacilles à la limite du supportable Au contraire, le fils est celui qui redonne à la mère la possibilité de s'exprimer dans un geste d'amour filial. [...]
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