Lecture analytique d'un extrait Le pique-nique en montagne tiré de "Lambeaux" de Charles Juliet.
[...] Sous ce bouleau, tes sœurs assises devant toi, les mots coulent en abondance de tes lèvres. Leurs visages levés et tendus. Leurs regards étonnés et avides. Tu n'as jamais autant parlé, et tu as tant à dire qu'il te paraît que tu pourrais poursuivre ainsi pendant des jours. Tu évoques ces hommes qui ont vécu il y a des siècles et des siècles, leur racontes les malheurs de Job, d'Ezéchiel, l'âme tendre et violente d'Osée, la solitude et la tristesse désolée de celui qui disait les choses les plus simples, n'était pas compris, qu'on a couvert de crachats et fini par clouer sur une croix. [...]
[...] Tous sont liés à elle car ils ont, comme elle, vécu des malheurs, connu la solitude et la tristesse, ont été incompris et le Christ a même été cloué sur une croix L'allusion à la crucifixion suggère que dans l'esprit de Juliet, sa mère s'est aussi sacrifiée pour les autres. En s'identifiant à tous ces personnages bibliques, la jeune fille est ainsi rassurée, elle aussi existe et sa vie compte. Cette exaltation mystique prouve que la mère a toujours besoin de s'évader hors du monde réel et profane dans lequel elle souffre. Toute sa religion l'aide à connaître un moment d'extase spirituel. [...]
[...] Puis la perspective s'élargit. La géométrie des champs, les ocres bruns les variétés de tous ces verts, cette mince route blanche : les couleurs sont de plus en plus importantes ocres bruns, verts, blanche La vie prend le dessus car l'espace s'agrandit, s'ouvre comme le suggère l'image de l'épervier qui plane au dessus Des deux côtés de la vallée on discerne une ligne horizontale, loin au-delà l'immensité bleue : la description se termine par espace infini, sans limite Le texte est donc construit sur montée vers l'absolu et sur une descente. [...]
[...] Le titre de l'œuvre Lambeaux évoque la déchirure ou encore un fragment. L'écriture a pour vocation de permettre à l'écrivain de retrouver l'unicité de son être en reconstituant les lambeaux ou fragments de sa vie. Mais sa démarche n'est pas égoïste : Lambeaux est aussi un livre d'espoir pour les personnes qui, comme lui, ont souffert de ne pas avoir pu connaître leurs parents biologiques et qui en souffrent. Le passage que nous allons étudier est situé dans la première partie de l'œuvre. [...]
[...] Le regard va du village restreint les maisons groupées autour de l'église , les toits le cimetière les champs à l'immensité du ciel cette mince route blanche par laquelle l'une après l'autre vous vous évaderez, l'épervier qui plane au-dessus de vous Le regard part du bas, de l'univers réel pour aller vers le haut, l'évasion. Différentes caractérisations de cette description sont porteuses de sens. Les maisons groupées autour de l'église : cette vision suggère la vie de la jeune fille paysanne est marquée par la religion. La religion est en quelque sorte le pilier de la société. Les toits ardoise grise : l'absence de couleur symbolise l'absence de joie, presque de vie, et d'animation. Les fumées qu'aucune brise dissipe connotent l'absence de mouvement et présentent la vie au village comme étouffante, oppressante. [...]
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