Cet extrait du chapitre V est un dialogue entre les deux des personnages principaux, Aldo et Vanessa, qui éprouvent une attirance l'un pour l'autre. On sait que Aldo est venu chercher sur la côte des Syrtes les raisons de son attente, et la découverte qu'il fait en visitant les ruines de Sagra au chapitre précédent ne peut qu'attiser cette dernière. Aldo, après avoir reçu la visite surprise de Vanessa à l'amirauté, accepte son invitation et se rend chez elle. Dans cet extrait, il tente de savoir ce que sa compagne est venue faire dans cette lagune, pressentant qu'elle cherchait la même quête que lui.
Ce dialogue semble rendre compte de la complicité entre les deux héros.
Nous verrons que cet extrait nous décrit deux personnages en situation d'attente, puis que ce dialogue révèle un pressentiment et une rumeur (...)
[...] Voici longtemps que les miens sont dans cette ville. Elle a fait leurs griffes et leurs dents à sa chair. Pour la première fois, j'ai vu le bout, et j'ai eu le vertige. J'ai songé au ver qui a fini de dévorer sa pomme. J'ai compris que la pomme ne durerait pas toujours. Et tu es venue y réfléchir à Maremma. Rien de plus? Je ne vois pas ce que tu veux dire. On ne médite pas seulement à Maremma, il paraît. On y parle. [...]
[...] Ainsi la phrase nominale, Sa complaisance, sa sagesse, son confort, son sommeil. personnifie péjorativement le pays d'Orsenna, avec ses sonorités inquiétantes, des nasales et des sifflantes, que renforce la lourdeur de l'énumération. L'indifférence apparente des gens qui rient, s'affairent, vont et viennent comme si de rien n'était ajoute encore à noirceur de ce tableau. Il y a aussi dans les propos de cette jeune femme quelque chose de menaçant, la présomption d'un certain danger, attirant et à la fois inhérent à l'attente. [...]
[...] Je sentais passer malgré moi, dans son accent, la nuance de prévenance douce que prend la voix au chevet d'un malade. La voix de Vanessa, à son tour, s'appuya sur moi avec une confiance tendre. C'est difficile de se faire comprendre, Aldo. Quelque chose doit arriver, j'en suis sûre. Les choses ne peuvent plus durer ainsi. Je suis revenue à Orsenna. Tu le sais, j'avais été longtemps absente. J'ai vu les gens, les rues, les maisons. Et j'ai reçu un choc. [...]
[...] C'était comme quelqu'un qu'on revoit au bout de quelques années et dont on s'aperçoit, aussi clair qu'il fait jour, qu'il a la mort sur le visage. Les gens autour rient, s'affairent, vont et viennent comme si de rien n'était. Mais on voit, et on sait. Tout seul. On a peur. Quelquefois on en prend son parti. Vanessa me défia des yeux. Je n'ai pas changé. Je hais Orsenna, tu le sais. Sa complaisance, sa sagesse, son confort, son sommeil. Mais j'en vis aussi. Et j'ai eu peur. [...]
[...] On s'aperçoit ainsi que la jeune femme apparaît comme le double féminin d'Aldo, et qu'elle va sans doute pousser Aldo, qui est sensible à sa beauté, à sa sensualité et à sa personnalité, à aller au bout de leur désir d'absolu. Ce dialogue qui reste énigmatique ménage le suspense et établit la complicité entre les deux amants, mais il sera aussi lourd de conséquence. Ainsi Aldo franchira la frontière fatidique, croyant être le héros et l'instigateur d'un bouleversement qui provoquera la ruine d'Orsenna, pour finalement se rendre compte qu'il n'en a été qu'un rouage, et que celle-ci était décidée à son insu. [...]
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