Julien Gracq (1910-2007), pseudonyme de Louis Poirier (Julien en référence à Julien Sorel et Gracq en hommage aux Gracques), est un écrivain français, agrégé d'Histoire-Géographie. Mobilisé en 1940, il part avec son régiment pour la Lorraine et les Flandres, expérience d'une « drôle de guerre » qu'il relatera plus tard avec Un Balcon dans la forêt.
Publié en 1958, ce récit romanesque intéresse la période de 1939-1940, lorsque les soldats français attendirent pendant plusieurs mois l'offensive allemande qui ne venait pas. Le personnage principal, le capitaine Grange, a été envoyé dans un chalet fortifié, en pleine forêt, à proximité de la frontière belge, sur une hauteur dominant la Meuse. En ce lieu solitaire, l'officier et ses hommes perdent le contact avec les contraintes de la réalité. Cet oubli lui procure un intense bonheur.
L'extrait étudié se situe à la fin du roman, lorsque Grange, blessé par une balle allemande, tente de revenir au fortin. Texte narratif, l'auteur y rapporte les difficultés rencontrées par l'officier lors de son retour. À travers des tonalités pathétique (le personnage souffre physiquement et moralement) et tragique (le héros croit qu'il va mourir), le lecteur partage les sentiments d'un individu qui lui ressemble et pénètre dans la conscience d'un être qui côtoie la mort (...)
[...] Il resta allongé ainsi une bonne heure. Il n'était plus pressé de repartir ; il regardait au-dessus de lui les branches des arbres qui voûtaient à demi le chemin contre le ciel plus clair : il lui semblait que la nuit devant lui s'étendait avec la coulée de cette voûte insondablement longue et paisible - il se sentait perdu, mais vraiment perdu, sorti de toutes les 25 ornières : personne ne l'attendait plus, jamais - nulle part. Ce moment lui paraissait délicieux. [...]
[...] Texte narratif, l'auteur y rapporte les difficultés rencontrées par l'officier lors de son retour. À travers des tonalités pathétique (le personnage souffre physiquement et moralement) et tragique (le héros croit qu'il va mourir), le lecteur partage les sentiments d'un individu qui lui ressemble et pénètre dans la conscience d'un être qui côtoie la mort. Une expérience humaine angoissante Plusieurs éléments descriptifs créent une atmosphère angoissante dans cette scène nocturne prenante que vit le soldat blessé. Le lieu La scène se déroule dans une forêt, celle des Ardennes (ainsi que l'indique le paratexte : en pleine forêt ardennaise). [...]
[...] Après d'interminables mois d'attente et de guet dans une construction fortifiée en pleine forêt ardennaise, le capitaine Grange, personnage principal du roman de Gracq, essuie les premières balles allemandes. Il est blessé. Une hâte, une angoisse enfantine, le tiraient maintenant en avant, arrachant un pas après l'autre sa mauvaise jambe aux trous du sentier noir : il marchait vers la maison comme s'il était attendu. Quand il s'arrêtait, les tempes battantes de fièvre, trempé de sueur, il tendait de nouveau l'oreille au silence des taillis étonné de ce 5 monde autour de lui qui faisait fuir l'homme comme un tas de sable laisse fuir l'eau. [...]
[...] De nouveau il avait envie de pleurer sur lui ; son cœur se nouait. Je vais peut-être mourir pensa- t-il encore. Son esprit s'engouait malgré lui, entraîné par une pesanteur grandissante : il pensait maintenant 10 à la gangrène qui se met dans les plaies infectées. L'idée fixe, délirante, le saisit tout à coup que sa jambe noircissait : il s'arrêta, s'allongea par terre, et commença à relever la jambe de sa culotte J'ai oublié ma lampe électrique pensa-t-il brusquement, et de nouveau une colère folle, impuissante, le souleva de hoquets : penché en avant dans les ténèbres épaisses, avec une obstination bovine, il essayait, en tirant sur ses reins 15 douloureux, d'approcher son œil de sa jambe. [...]
[...] Mais, plus que la solitude, il redoute surtout la mort par la nécrose infectieuse lente de la gangrène (ligne 10). La panique tend même vers la folie : Son esprit s'engouait malgré lui (lignes L'idée fixe, délirante (ligne une colère folle, impuissante (ligne 13). Grange se débat tragiquement contre l'inéluctable et sa lutte semble se résoudre un temps dans les vomissements (il vomit à petits coups le vin rouge et le peu de biscuit qu'il avait mangé, lignes 16- 17). [...]
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