Les vingt-neuf poèmes réunis sous le titre Le Sanglot de la Terre ont été publiés après la mort prématurée de Jules Laforgue, poète du XIXe siècle appartenant au mouvement du symbolisme. Il les rédigea entre 1880 et 1882 alors qu'il n'avait que vingt ans. Le sonnet choisi, intitulé « La Cigarette » nous raconte comment l'auteur fuit une réalité triste et sordide et parvient à s'échapper dans un monde imaginaire. Mais dans quel but ? Nous étudierons l'existence désespérée de l'auteur pour comprendre pourquoi il veut s'échapper, nous analyserons ce que lui apporte la cigarette avant d'expliquer son lien étroit avec l'écriture poétique de l'auteur ainsi que ses influences.
Dans ce sonnet, Jules Laforgue, poète transitoire entre la modernité et la post-modernité délivre un message personnel, dérisoire mais aussi philosophique. En effet, en tant que maître de l'ironie lyrique, il témoigne d'un monde sans intérêt où le seul moyen d'évasion est l'imagination qu'il faut provoquer grâce à des drogues comme l'opium. Cette méthode est utilisée par Baudelaire dans « Les paradis artificiels » ; ce dernier étant sans aucun doute le modèle de Laforgue. Leur enfance commune ainsi que leur écriture rebelle seront source d'inspiration au mouvement surréaliste et notamment à Robert Desnos qui déclarera quelques années plus tard : « Une place pour les rêves. Mais les rêves à leur place ».
[...] Il passe de la dérision à l'arrogance et enfin au cynisme pour décrire une société dramatique dans laquelle les hommes sont des victimes du destin et ne font figure que de courte apparition sur Terre. Nous comprenons donc que Laforgue doit trouver un moyen de s'évader, raison pour laquelle il va se réfugier dans l'imaginaire grâce à la cigarette. Le narrateur trouve en la cigarette un plaisir d'une part interdit et comme nous l'avons vu il aime contredire les valeurs de la société, c'est une forme de refus d'autorité. D'autre part la cigarette va lui ouvrir la porte d'un monde imaginaire magnifique, musical et fantastique. [...]
[...] Ce monde est décrit de façon méliorative et répond aux attentes de l'auteur. Etant onirique, c'est-à- dire seulement un rêve provenant de l'imagination du subconscient du poète, il ne se limite à aucune contrainte. Effectivement il ne s'agit que d'hallucinations à la fois visuelles «l'on voit et auditives valse Nous remarquons par la même occasion que ce rêve est doté d'une extrême incohérence. L'auteur témoigne d'une vision où éléphants et moustiques se mêlent. Le narrateur retrouve dans cette strophe un profil de sujet, il domine les actions qu'il est en train de rêver mais ce songe n'est que jeu d'opposition. [...]
[...] Oui, ce monde est bien plat Le premier vers reflète le caractère désespéré de la première strophe. Il exprime l'ennui auquel l'auteur doit faire face dans ce monde qui n'est que fatalité, une fatalité appuyée par le caractère étrange, la simplicité lexicale de la phrase mais aussi par l'affirmation oui Jules Laforgue semble inadapté à la société dans laquelle il vit où beaucoup de plaisirs sont interdits. Aussi l'emploi juxtaposé de moi et de je permet de comprendre le souci d'affirmer sa différence chez l'auteur. [...]
[...] Comment a-t-il vécu cette expérience étrange ? Ce dernier tercet commence par la locution : et puis ce qui suppose une interruption dans le déroulement des phénomènes mais aussi dans la lecture du texte. Nous passons ainsi à la troisième partie de poème : le retour à la réalité. Il n'y a aucune ambiguïté dans le réveil grâce au verbe : je m'éveille qui s'oppose à m'endort Le retour à la réalité est également marqué par les deux derniers vers et plus précisément je contemple mon cher pouce rôti Cette phrase laisse à croire qu'il s'est brûlé sûrement avec sa cigarette pendant qu'il rêvait. [...]
[...] Nous en déduisons que l'auteur appelle ce sonnet la cigarette pour des problèmes de censure mais il doit s'agir en réalité de haschich ou d'opium, ce dernier étant très en vogue au XIXe S. Le moi et le je qui étaient sujets deviennent à présent compléments ce qui pourrait vouloir signifier que le poète se trouve dans un état passif et qu'il ne contrôle plus du tout ses actions : me plonge m'endort On retrouve cette notion de sommeil par le biais des deux enjambements entre le vers 6 et le vers 8 qui procurent au poème une sensation de fatigue et de lenteur. [...]
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