Lorsque Joyce écrit Ulysse il révolutionne le roman sous toutes ses formes, par ses inventions et ses explorations littéraires et syntaxiques.
C'est sous l'influence de Mallarmé qu'il élabore sa stylistique de la suggestion, il dira à son ami Frank Budgen « Je veux que le lecteur comprenne toujours à travers la suggestion plutôt qu'au moyen d'affirmations directes ».
Mais il reprend encore et approfondit le projet d'un monologue intérieur amorcé par le Français Edouard Dujardin dans Les lauriers sont coupés en 1887, Dujardin proposera en 1931 une définition du monologue intérieur dans son œuvre du même titre:
« Discours sans auditeur et non prononcé par lequel un personnage exprime sa pensée la plus intime, la plus proche de l'inconscient, antérieurement à toute organisation logique, c'est-à-dire en son état naissant, par le moyen de phrases directes réduites au minimum syntaxial de façon à donner l'impression tout-venant» (Le Monologue intérieur, 1931).
Le chapitre 3 illustre cette récente technique littéraire, en effet il y est question du personnage de Stephen Dedalus qui se promène seul sur la plage de Sandymount et laisse libre court à ses pensées.
C'est au cours du soliloque du personnage que le lecteur comprend progressivement que Stephen est montré en situation, en train de marcher sur une plage, et effectuant toutes sortes d'exercices mentaux pour tenter de mieux cerner sa perception du monde.
Sa vision de la nature est conçue comme un champ d'objets colorés (avec une prédominance pour le vert, bleu,). Cette vision devient le fondement de l'esthétique et de la philosophie de la création de Dédalus.
[...] Ce qui est paradoxal c'est que ses pensées s'enchaînent très rapidement dans la tête du personnage et ne sont vraiment compréhensibles que pour lui et demandent beaucoup de temps au lecteur pour comprendre et trouver toutes les références. Au final le chapitre en entier est pour le lecteur tout sauf spontané et naturel, car on relit sans cesse pour trouver un sens et des liens entre les sujets traités. Mais ce qui brouille encore notre compréhension repose sur une stylistique propre à Joyce, celle de la suggestion. [...]
[...] Mais le personnage de Dedalus médite également sur différents sujets que l'on peut regrouper en thèmes majeurs qui sont les femmes, le dogme religieux, et la nature. La nature est présente partout dans le texte, on y retrouve tous les éléments de la création, il y a l'eau symbolisée par la mer, le sable et les rochers qui représentent la terre, le soleil fait référence au feu et son ombre qu'il décrit symbolise l'air, parce qu'elle est impalpable et éphémère tout comme cet élément. [...]
[...] C'est pareil pour la description de la relation entre le vampire et la femme, il y a de l'érotisme mais pas d'amour véritable. Dracula traite les trois femmes de son harem comme des objets auxquels il commande avec brutalité. Il en est de même pour le vampire qu'évoque Dedalus, qui ensanglante la mer, autrement dit la femme. Mais tout comme les femmes sous l'emprise de Dracula, la mer, sous l'emprise du pâle vampire est attirée et finit par se donner à lui. [...]
[...] Le fait d'être plongé dans les pensées d'un personnage unique renvoie aussi à l'étude d'une sorte de microcosme. Dans ce texte Joyce oublie les autres personnages qu'il met en scène dans son roman et se focalise uniquement sur les pensées d'un seul protagoniste. Il cherche à imiter et peut être aussi à comprendre le processus de la parole non exprimée. Ensuite il y a la crise du sujet, qui dans ce texte paraît évidente. Les pensées du personnage sont libres, Stephen réfléchit à divers sujets, il en vient même à tous les entremêler, à les associer, d'où le soucis de compréhension que le lecteur éprouve. [...]
[...] A partir de la par une association d'idée il se souvient d'avoir encore oublié de prendre les fiches sur la banque de la bibliothèque Puis il arrache un morceau de feuille se tourne de façon à avoir le soleil dans son dos, et s'allonge sur le sol pour griffonner quelque mots Tout le reste du passage concerne l'abstrait, l'imaginaire du personnage. Il aborde à la fois des auteurs et des thèmes variés. La première allusion à un auteur est celle de Saint Thomas d'Aquin, un théologien et philosophe italien du 13ème siècle. Cet auteur est un disciple d'Aristote, comme Dedalus lui-même, il affirme que la connaissance intellectuelle est acquise à travers l'expérience sensible. La proposition en italien est la traduction des premiers mots délectation morose Saint Thomas d'Aquin constitue en quelque sorte un prolongement de la pensée d'Aristote. [...]
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