Le journal de Grosse Patate - Dominique Richard (2002) - Enjeux littéraires et finalité dramaturgique

Thèmes abordés

2002, Le journal de Grosse Patate, Dominique Richard, enjeux littéraires, finalité dramaturgique, écriture du journal, journal intime, autobiographie, drammaturge, théâtre

Résumé du document

Le journal de grosse patate donne à voir l'intimité de Grosse Patate, personnage anonyme. Anonymat néanmoins d'inspiration « biographique », car il renvoie au vécu de Dominique Richard qui avoue en postface s'être inspiré de l'histoire « d'une amie qui s'en voulait d'être "une grosse vache" » et dont le dramaturge a « beaucoup ri avec [s]es amis ».

Le terme journal fait d'emblée penser à ce que la langue anglaise nomme "diary", c'est-à-dire « journal intime ». L'intimus offre à l'écrit une fonction introspective, une discussion que l'écrivain — le diariste — tient intimement, voire secrètement, avec lui-même. Pourtant, l'adjectif intime est absent du titre de la pièce, ce qui peut nous interroger sur la définition exacte du terme journal.

Extraits

[...] Grosse Patate dont le surnom en lui-même peut prêter à sourire chez le jeune public utilise en effet un vocabulaire enfantin imagé (par des expressions, « Pétard de pétard  » ; des onomatopées, « bedom, bedom », etc.) L'intonation exagérée de ces expressions doit permettre d'ailleurs d'accentuer l'effet escompté. Pourtant, l'écolière avoue également ses souffrances («  . je suis épuisée. [ . ] Tout le monde m'embête et se moque de moi »). Inversement, Grosse Patate apparaît comme un vrai tyran, notamment avec Rémi (« J'adore lui donner des baffes. Ça me détend. Je le coince contre un mur et hop une claque »). Nous imaginons ici la gestuelle et les mimiques de Grosse Patate comme éléments humoristiques masquant la violence du propos. [...]

[...] Le journal de Grosse Patate - Dominique Richard (2002) - Enjeux littéraires et finalité dramaturgique « Est-il un âge propice au commencement d'un journal ? Il n'est pas de règle générale même si adolescence et écriture journalière semblent entretenir des rapports privilégiés. » Françoise Simonet-Tenant questionne ici sur le commencement de l'écriture du journal, genre pour lequel Jean-Pierre Jossua propose un « essai de définition : il s'agit d'une écriture autobiographique fragmentaire, régulière, faite pour soi-même, où l'on parle de soi ou d'une recherche liée à soi, et que l'on mène dans le temps sans visée systématique». [...]

[...] Tout cela nous amène à nous questionner sur les enjeux liés à la réception du journal de Grosse Patate, comme objet littéraire, mais surtout dans sa finalité dramaturgique. Pour répondre à cette problématique, nous nous intéresserons à la structure même du journal qui navigue entre la description d'un monde extérieur à celle d'un univers plus intime, allant même jusqu'à scruter l'inconscient. Dans un premier temps, Grosse Patate se présente au public, comme personnage externe à elle-même pour ensuite décrire ceux qui l'entourent. [...]

[...] Certains passages du journal utilisent le discours rapporté, dans l'absolu transposable en apartés et jouable par des personnages autres que Grosse Patate, comme Rosemarie qui « chuchote [à Hubert] "Je peux ». Le journal n'est pourtant que l'écriture d'émotions. L'objectivité du discours, y compris rapporté, n'est pourtant qu'illusion. Car dans les quelques extraits disponibles sur internet, ces discours rapportés sont prononcés par Grosse Patate elle-même, ce qui lui permet de se moquer de ses camarades. Grosse Patate est maître de son journal et de ce qui y est écrit. [...]

[...] Ces intermèdes oniriques permettent à Grosse Patate, dans une conception freudienne, d'accéder à ses désirs refoulés et d'essayer d'y apporter des réponses. L'un des exemples les plus flagrants est quand Rémi lui avoue qu'il aime Hubert. La jeune fille ne comprend pas comment deux garçons peuvent tomber amoureux. N'ayant pas trouvé de réponse auprès de son père qui évite la question, elle reste perplexe. Quelques pages/jours plus tard, la jeune fille fait un exercice de mathématique et échoue en multipliant « des tomates et des bananes ». [...]