Le recueil qui débute par une partie élégiaque, laisse ensuite place à la satire pour s'achever sur une série encomiastique qui prend son sens grâce au contexte du retour en France. Or, si depuis la publication de "La défense", le poète sait alterner les thèmes comme le lyrisme de l'olive, et la satire de l'antérotique, c'est à cause de sa confrontation avec la réalité romaine qu'il va créer dans "Les regrets", un véritable lien de dépendance entre les deux genres opposés de l'élégie et la satire. Tel est d'ailleurs le cas du sonnet soixante-dix-sept, qui réussit à alterner les deux mais également à les faire fusionner grâce au motif du « ris sardonien » dont le poète décline les acceptions.
Aussi peut-on se demander comment le motif du « ris sardonien » expliqué par le poète dans le sonnet 77, réussit, par sa nature duale, à constituer une véritable charnière interne et externe pour en faire le vecteur de son art poétique.
[...] Ainsi la démarche satirique de Du Bellay qui paraissait être en rupture avec son projet initial, suit-elle au contraire dans ce sonnet, un modèle préalablement donné pour la satire et qui conserve malgré son changement de style, un réel travail sur la langue. Or, telle est la caractéristique du poète : imiter pour renouveler. Si Du Bellay ne perd pas de vue les objectifs de la Défense, il choisit cependant de varier ses sources afin d'offrir davantage d'impact à la satire qu'il compose. Aussi, le poète garde le modèle d'Horace pour illustrer son éthos, mais s'inspire également de Martial et Juvénal, poètes latin du premier siècle après Jésus Christ. [...]
[...] / Comme de l'arbre on voit naître le fruit, / Ainsi les fruits que la douleur produit, / Sont les soupirs et les larmes non feintes. Le sonnet soixante-dix-sept, selon le projet de Du Bellay, se fait ainsi vecteur du genre de la satura tel que le conçoit sa définition en tant que pot pourri Ce savant mélange de tonalité, d'énonciation, de forme, de langage, réussit donc grâce à l'exploitation du motif du ris sardonien dans le sonnet, à créer un véritable modèle poétique qui, ainsi que le déclare P. [...]
[...] Enfin, c'est grâce à la diversité de ses modèles que Du Bellay parvient à renouveler le genre satirique, offrant au motif du riz sardonien une nature prismatique reliant le rire et les larmes, l'intériorité et l'extériorité, qui se trouve particulièrement mise en valeur par le modèle formel du sonnet. Le but initial de La Défense est donc ici à rappeler : le principal but où je vise, c'est la défense de notre langue, l'ornement et l'amplification de celle-ci de même que son association avec la dédicace A Monsieur d'Avanson qui semble transposer ici la métaphore de la langue plante vergette à cultiver : Quelqu'un dira, de quoi servent ces plaintes ? [...]
[...] L'adjectif indéfini quelque dénote en effet une petite quantité non mesurable, et la risée une plaisanterie. Le connecteur pourtant associé à la négation marque ensuite l'opposition à la conclusion attendue précédemment, refusant la qualification de plainte déguisée dont l'adjectif qui dénote l'ornement, la recherche formelle et la tromperie volontaire est opposé à l'adjectif véritable qui prend l'avantage grâce au mode assertif du vers douze. Le verbe souspire introduit alors une dimension pathétique qui ferait tendre l'argumentation vers la persuasion. Au contraire, l'adjectif véritable qui qualifie la plainte dans la thèse au vers douze annonce une volonté de convaincre grâce au dernier argument causal introduit par le connecteur car la locution comme on dit se faisant garant d'une doxa supérieure à celle de l'interlocuteur. [...]
[...] Cependant, dès le premier vers du second quatrain, Du Bellay semble mettre en doute ce projet. En effet, l'utilisation du démonstratif anaphorique ces renvoie à l'énoncé satirique du premier quatrain pour le qualifier de regrets Puis, le regret qui dénote la plainte, le cri, la douleur, la nostalgie ou le remord est placé à la fin du vers cinq, formant ainsi une antithèse avec le verbe rire qui représente l'effet de la satire à la fin du vers suivant. Il serait ainsi possible de considérer le vers sept comme une rupture avec les vers précédents. [...]
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