Le sonnet 6 des "Regrets" de Joachim du Bellay est un poème charnière de l'œuvre, car il marque une rupture dans le recueil et une installation concrète dans le thème du regret. En effet, c'est le premier poème à exprimer réellement un regret, celui d'une absence. Aussi, caractérisé par son ton plaintif, il ouvre la partie élégiaque du recueil. De plus, le sujet poétique s'exprime à la première personne, ce qui définit sa position dans le poème et en renforce le lyrisme.
Cependant, le poème ne trouve pas de destinataire, fait rare dans les Regrets, et comme les 191 sonnets que comporte l'œuvre, le sonnet 6 ne porte pas de titre, ainsi cela nous donne pour seul guide de lecture de le lire comme l'expression d'un regret d‘un sujet singulier.
[...] Le tercet final finit de dresser le bilan du présent. Alors que dans le premier quatrain, le poète parlait d'immortalité, il dit à présent ne plus se soucier de la postérité. Son but n'est plus de laisser trace de sa personne aux générations futures. Quant à la poésie, cette divine ardeur , l'ardeur poétique il l'a perdue. La poésie est divine, adjectif qui qualifie d'ordinaire les dieux. Il donne à la poésie un statut divin et l'inspiration est un don divin. [...]
[...] C'est ainsi que Du Bellay fait apparaître les muses dans son poème. Les Muses sont présentées dans un cadre presque idyllique sous la nuit brune [ ] dessus le vert tapis d'un rivage écarté je les menais danser aux rayons de la lune Du Bellay nous brosse un tableau, une description colorée, mythique, insouciante; on touche à la perfection. L'écriture est telle que le lecteur peut fouler du pied l'herbe fraiche et verte décrite par le poète. La scène est très visuelle grâce à l'écriture. [...]
[...] C'est cette expression d'un présent malheureux en opposition au bonheur d'un passé révolu qui forme le regret. Le ton est donné dès le premier mot du premier vers las Au 16e siècle, ce las était une interjection signifiant hélas. Le poète place le sonnet dès le début dans un contexte plaintif et nostalgique. Il indique par las qu'il va déplorer quelque chose, le tout renforcé par la ponctuation, une virgule qui marque un temps de respiration pour annoncer la suite, et donne au texte un souffle qui mime cette plainte. [...]
[...] Encore une fois, Du Bellay utilise des images de la mythologie. La belle poésie a quitté le poète et les Muses, allégorie de l'inspiration poétique, s'enfuient devant le poète. Cette image est forte car d'ordinaire, dans la littérature antique, celle d'Homère par exemple; les Muses viennent au poète qui les appelle mais jamais ne fuient. Ici, le sujet poétique semble abandonné de tout et de tous, étranger aux autres. Encore une fois, on peut voir que Du Bellay a recours à la répétition. [...]
[...] Il fait également le choix de faire rimer nuit brune et lune (v8). Le quatrain est encerclé par la nuit, posant une atmosphère dans le poème. Au vers Du Bellay utilise la métaphore du tapis vert pour parler le l'herbe. Il fait ainsi d'une chose naturelle un élément somptueux qui participe à l'élaboration de la scène de la danse des Muses et aux décors qu'il plante. Autre fait important dans ce deuxième quatrain, l'apparition de la première personne me donnaient et je les menais (v8). [...]
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