Pierre Carlet de Chamblain de Marivaux est un dramaturge français connu pour ses pièces qui reflètent l'intérêt qu'il porte aux forces du sentiment amoureux. Elles s'inspirent de la Commedia dell'arte italienne comme la comédie Les fausses confidences qui raconte l'histoire de Dorante, anciennement fortuné et amoureux d'Araminte, une jeune noble. En 1730, il écrit Le jeu de l'Amour et du Hasard qui explore sous le signe du badinage galant les mécanismes du cœur humain sur fond d'immobilité sociale. L'extrait que nous étudions ici appartient à la scène 6 de l'acte 1 et la plus importante, car elle met en tête à tête pour la première fois les deux promis sous des costumes d'emprunt. L'héroïne Silvia se fait passer pour sa servante Lisette afin d'examiner son prétendant Dorante qui a la même idée et se déguise en un valet du nom de Bourguignon.
[...] A la fin du passage, ils plaisantent sur leur mère respective. Silvia est désinvolte et de bonne humeur, elle en rit comme l'indique la triple répétition de l'interjection : ah (l. 42). Aux lignes dans leur aparté respectif, les deux personnages utilisent une même tournure pour parler de l'autre ce garçon-ci n'est pas sot ; cette fille-ci m'étonne (l.4). La symétrie de leur déguisement est soulignée également par un parallélisme de construction aux lignes 33 et 37. Ainsi, Silvia annonce-t-elle qu'elle n'épousera qu'un homme de condition et Dorante, une fille de condition (l.32). [...]
[...] Elle tient à remettre son interlocuteur à sa juste place et dans son statut de domestique. Cependant, elle ne lui est pas insensible. L'aparté de la ligne 31 quel homme pour un valet prouve qu'il sort du lot, se distingue des autres. Elle est ébranlée par ses attitudes, mais elle cherche à résister d'où l'ambiguïté de sa réaction. Elle le rejette, mais admet par ailleurs la finesse de son esprit le trait est joli assurément (l.23), ce qui fait de leur dialogue, un échange galant et de leur acte, un marivaudage**. [...]
[...] Elle se sait courtisée comme le mentionne le champ lexical de la flatterie il va m'en conter douceurs (l.10), cajoleries (l. le trait est joli (l.23). Le jeu de séduction est conventionnel suivant la coutume (l.9) : le valet tente de séduire la servante, mais leur jeu est beaucoup trop subtil pur être celui de domestique de comédie comme Arlequin. Son succès est doublement amplifié par le déterminant indéfini tous dans le complément de nom qu'elle utilise de tous les valets (l. 20) repris dans une construction analogue par Dorante de tous les maîtres (l.22). [...]
[...] 14/17) qui est un aveu déguisé du trouble occasionné par Silvia à Dorante. Le champ lexical de la docilité me soumets timide n'oserait (l.15) révèle sa vulnérabilité. Il se met à nu et avoue à Silvia qu'elle lui fait forte impression. L'adverbe de fréquence toujours (l. 15) rend le pouvoir de son charme permanent et témoigne de la force de son amour naissant. L'antithèse entre suivante et princesse (l.18) démontre qu'il pressent sa bonne condition sociale. Elle ne semble pas être ce qu'elle prétend, il lui trouve l'air bien distingué (l.40). [...]
[...] Le comique de situation repose sur cette tromperie identitaire. Le champ du déguisement garde-robe (l.25) ma parure (l.26) tu as l'air (l.40) révèle leur souci d'être conformes à leur déguisement. Ils cherchent à adopter le ton et le comportement de domestiques : ils se tutoient d'où l'emploi de nombreux pronoms et déterminants de la deuxième personne du singulier tu te ton toi (l.15), tienne (l.25). Silvia apostrophe Dorante par le surnom de Bourguignon (l.19, car le valet est censé être originaire de la province de Bourgogne. [...]
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