La reprise d'Antigone par Cocteau en 1922 prend place dans un ensemble plus vaste. En effet, "un des faits les plus remarquables dans l'histoire du théâtre français au XX° siècle" est le retour aux mythes antiques. D'après Pierre Albouy, c'est même Jean Cocteau qui est à l'initiative de ce mouvement. Cette pièce inaugure la série de pièces à sujets mythologiques inspirées de tragédies antiques telles qu'Orphée (1926), Oedipe Roi (1937), La Machine infernale (1934).
Ce retour au passé a lieu au milieu d'activités inscrites dans le présent (composition de la plupart des poèmes de Plain-chant et de deux romans Le Grand Ecart et Thomas l'Imposteur). Du point de vue de la création, l'année 1922 est extrêmement féconde pour Jean Cocteau. Dans Le Cordon ombilical, Cocteau explique ce qui a enclenché le processus créateur : "Je reçus la visite de Philippe Legrand, un camarade de mes plages d'enfance. Il arrivait de Grèce et en rapportait une de ces cannes de berger qui se terminaient par une corne de chevreau semblable au sourcil de Minerve. Il m'offrit cette canne et pendant mes longues promenades autour du Cap Nègre, elle me suggéra de recoudre la peau de la vieille tragédie grecque et de la mettre au rythme de notre époque. Je commençai par Antigone". Au bord de la Méditerranée, il se sent relié au monde antique de manière naturelle. Dans une lettre à sa mère, il écrit : "Fais-moi envoyer une traduction, la mienne est tombée dans le Cap Nègre et elle est repartie en Grèce".
Ce retour au passé s'explique aussi par des raisons esthétiques. Après des expériences dadaïstes et surréalistes, Cocteau cherche "à se mettre à l'école des Anciens". Une problématique se pose à Cocteau "comment construire une pièce efficacement, comme cerner d'un trait ferme des personnages, comment raconter une histoire à la fois haletante, puissamment signifiante et courte, tout est donné là". C'est que le choix de la contraction implique de nombreuses adaptations par rapport au modèle canonique de la tragédie grecque. Mais paradoxalement, la mise en scène de Cocteau supplée à la part de déperdition.
Nous disposons de très peu de matériaux iconographiques pour la pièce de Cocteau, en revanche, l'auteur nous a laissé un certain nombre de textes qui permettent de reconstituer en partie la mise en scène, ou tout au moins d'essayer de s'en faire une idée (...)
[...] Ainsi j'ai voulu traduire Antigone. A vol d'oiseau, de grandes beautés disparaissent, d'autres surgissent ; il se forme des rapprochements, des blocs, des ombres, des angles, des reliefs inattendus. Peut-être mon expérience est- elle un moyen de faire vivre les vieux chefs d'œuvre. A force d'y habiter nous les contemplons distraitement, mais parce que je survole un texte célèbre, chacun croit l'entendre pour la première fois En fait, Cocteau célèbre les textes antiques en ce qu'ils sont capables de dire quelque chose de nouveau, de différent à chaque époque. [...]
[...] L'originalité de Cocteau réside davantage dans la mise en scène qui supplée aux manques impliqués par le choix de la contraction. Car le moindre détail (costumes, jeu des acteurs, musiques) fait sens dans cette pièce. Cocteau a fait le choix de se concentrer sur les personnages et de limiter le rôle du chœur. C'est que le théâtre de Cocteau est davantage un théâtre d'actions (conformément à l'étymologie du mot drame). Après Cocteau, Anouilh adaptera aussi Antigone, en montrant qu'il s'agit bien d'une tragédie morale et politique. Bibliographie Cocteau Jean, Théâtre complet, Paris, Gallimard, coll. [...]
[...] Mais paradoxalement, la mise en scène de Cocteau supplée à la part de déperdition. Nous disposons de très peu de matériaux iconographiques pour la pièce de Cocteau, en revanche, l'auteur nous a laissé un certain nombre de textes qui permettent de reconstituer en partie la mise en scène, ou tout au moins d'essayer de s'en faire une idée. I - Mise en scène de Jean Cocteau Présentation synthétique Didascalie initiale : l'extrême vitesse de l'action n'empêche pas les acteurs d'articuler beaucoup et de remuer peu. [...]
[...] Chez Sophocle, Antigone se soumet à son destin sans se révolter. Il en va d'une toute autre manière chez Cocteau : la soumission d'Antigone est purement verbale, en témoigne sa réticence à être emmenée. Les injonctions désespérées qu'elle lance au chœur sont des preuves de sa révolte et de sa peur de la mort. Dans ses adieux, elle va même jusqu'à dire qu'on lui vole sa part de vie. Réception de la pièce de Cocteau La réception de cette pièce est plutôt bonne : Nous retrouvons dans son adaptation les traits essentiels de la tragédie primitive, il en a suivi le scénario scène par scène[35] (Antoine). [...]
[...] Elle a l'air d'une femme à la barre d'un tribunal entre deux municipaux[23] C'est en effet la lecture que Cocteau fait de la pièce : Antigone est jugée par la société, parce qu'elle est celle qui est sortie de la norme. La sortie de scène d'Antigone est également l'objet d'une signification profonde. Cocteau par le biais de la didascalie écrit : Antigone, conduite par les gardes, descend au premier plan, en contre- pas. Un des gardes entre dans la trappe, l'autre le suit et tire légèrement Antigone par son manteau. [...]
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