« À la mystérieuse » de Robert Desnos, poète surréaliste, est un recueil de poèmes consacrés à l'amour, dans lesquels le poète construit une figure féminine idéale. Le recueil fut publié en 1930 dans Corps et Biens. Dans « J'ai tant rêvé de toi », le poète s'adresse directement à la femme aimée, en un poème prose, composé de courts paragraphes.
Dans ce poème, le sujet lyrique s'adresse directement à la femme aimée. La déclaration du « je » au « tu » crée une intimité tangible. « Je » n'hésite pas en effet à dévoiler son attirance physique pour celle à qui il s'adresse. Il évoque les parties de son corps (« cette bouche », « ton front et tes lèvres ») et le plaisir qu'elles lui procurent.
[...] Le lecteur ne ressent donc pas le malaise du voyeurisme. De plus, du fait que le tu n'est jamais nommé OU caractérisé précisément (est-elle grande ou petite ? brune ou blonde le lecteur peut s'identifier au sujet en même temps qu'il substitue au tu anonyme un nom qu'il lui est cher. Il partage ainsi les sentiments du poète et sympathise avec son amour. [B. La fragilité d'un amour réel] Cependant, l'amour du poète pour celle qu'il aime paraît bien fragile. [...]
[...] Enfin, on notera l'hyperbole qui clôt le poème : plus ombre cent fois que l'ombre qui se promène et se promènera allègrement sur le cadran solaire de ta vie Elle souligne la longévité du fantôme littéraire par opposition à la brièveté de la vie, qui fait le tour du cadran avant de disparaître. [Conclusion partielle] Ainsi, la poésie offre à l'amour l'épanouissement dans la durée. [Conclusion] En première instance, le poème offre une vision pessimiste de l'amour, fragile, voire impossible. Mais il réconforte ensuite le lecteur, qui s'est identifié au sujet lyrique qui n'embrasse que des ombres, en lui offrant un amour véritable et durable, dans l'imaginaire et la création littéraire. Par ce poème lyrique, Desnos s'inscrit dans la longue lignée des poètes qui n'ont cessé de chanter l'amour et ses ambiguïtés. [...]
[...] Le rêve est ce trait d'union entre le je et le tu J'ai tant rêvé de toi ? [B. La conquête de l'éternité] De plus, la poésie substitue l'éternité poétique à la fragilité éphémère de l'amour. L'éternité se lit d'abord dans le refrain, J'ai tant rêvé de toi qui imprime au poème la force de la régularité, du retour au même, de l'immuabilité. Ce refrain, au passé composé, prolonge le plaisir du rêve du passé, jusque dans le présent, sous le signe d'une continuité qui contraste avec le présent de la perte réelle tu perds L'éternité se lit aussi dans la symétrie du poème autour de la phrase nominale O balances sentimentales De part et d'autre de cette phrase charnière, deux refrains, mais aussi deux modalisateurs de doute peut-être sans doute sans doute peut-être disposés en chiasme. [...]
[...] Or, le poète et son aimée n'occupent jamais le même monde. Dans le troisième paragraphe, le poète essaie D'appréhender la femme, mais il n'atteint qu'une ombre ; dans le paragraphe suivant, il tente d'envisager la femme dans sa réalité, mais c'est lui qui devient une ombre Le même chassé-croisé se poursuit tout au long du poème, résumé dans la courte phrase nominale qui s'inscrit au cœur du texte Ô balances sentimentales L'amour semble osciller entre le désir et la réalité, sans jamais les réunir. [...]
[...] Imposition en courts paragraphes, qui laissent le blanc envahir la page ci même menacer la parole poétique, en est le reflet. La fragilité de l'amour se lit aussi dans les modalités de doute qui structurent le poème : la question initiale Est-il encore temps d'atteindre ce corps vivant et de baiser m (et te bouche la naissance de la voix qui m'est chère ? place le poème .mis le signe de l'inquiétude ; la répétition des adverbes peut- être et sans doute scandent alternativement le poème. [...]
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