Eugène Ionesco (1909 - 1994) est un auteur dramatique et écrivain français d'origine roumaine. Elu à l'Académie française en 1970, il est le chef de file du théâtre de l'absurde. Parmi ses oeuvres, Rhinocéros, dont est extrait ce passage, est une farce tragique et anti-réaliste où la transformation irrationnelle des hommes en rhinocéros doit nous alerter sur les dangers d'une idéologie despotique. Dans le début de l'acte 2 tableau 2 que nous étudions ici ; Bérenger, qui s'est fâché avec son ami Jean, va chez lui pour se réconcilier et le trouve malade. Comment le dramaturge dénonce-t-il le processus de fanatisation ? Nous verrons tout d'abord la complète transformation de Jean puis nous aborderons la réflexion implicite d'Ionesco sur le totalitarisme.
I) La transformation complète de Jean
a) Transformation physique
L'adjectif de couleur "vert" à la ligne 3 est étrange même s'il qualifie un malade auquel on attribue généralement un coloris jaune ou une pâleur. Ionesco insiste sur la progression de la maladie en ajoutant l'adverbe "encore" au comparatif de supériorité "plus vert" (l. 3).
De plus, l'auteur souligne sa difficulté langagière grâce au champ lexical de la parole dans les didascalies "il parle avec beaucoup de peine" (3 4) ; "sa voix est méconnaissable" (4) ; "il barrie presque" (42) ; "il barrit de nouveau" (46). Ses paroles sont parfois même remplacées par des onomatopées "brrr..." (l. 41, 45), sa métamorphose est accentuée par la didascalie "soufflant bruyamment" (l 34) qui nous montre un personnage prêt à suffoquer.
Le dramaturge animalise Jean, tant au niveau de sa façon de s'exprimer que de son comportement. En effet, il semble pareil à un fauve en cage "allant et venant" (l. 17 & 31), "toujours dans la salle de bains" (l 38), "il sort de la salle de bain" (l. 45) ; "il entre dans la salle de bain" (l. 46) Par cette animalisation, Jean nous parait de plus en plus incapable de réfléchir et de développer des idées (...)
[...] dans la phrase déclarative j'y vivrai, j'y vivrai où le futur accentue sa détermination (l.29). Le nom morale est répété cinq fois dans la réplique des lignes 21-22. Il fait usage de clichés, de phrases toutes faites sous forme de phrases courtes (sujet + verbe + Cod) construites de façon parallèle 26). II) Réflexion sur le totalitarisme Argumentation modérée de Bérenger Bérenger défend l'être humain face aux rhinocéros, il est favorable à la survie de l'homme, tandis que Jean rejette la culture au profit de la nature. [...]
[...] Il utilise un langage hyperbolique avec l'adverbe de manière absolument associé au verbe interdire, l'adverbe de lieu partout et une gradation ternaire dans le vocabulaire dépréciatif à l'égard de Bérenger vieux sentimental ridicule 54-55). Pour montrer son inimitié, il se sert en outre d'une périphrase les gens têtus qui lui sert à critiquer Bérenger sans conflit frontal. Jean n'hésitait pas auparavant à argumenter pour expliquer son opinion. Or, ici, il assène des affirmations autoritaires qui n'admettent aucune réplique par la répétition de la tournure impersonnelle d'obligation Il faut 32) et l'emploi de l'impératif Parlons-en (l.31), démolissons (l. 38) et ne prononcez plus (l. [...]
[...] Pour retrouver le plaisir il est prêt à faire table rase de ce qui fait la grandeur de l'homme comme le montre l'impératif démolissons associé à la reprise pronominale tout cela 38). La supériorité de cet état sur celui d'un être civilisé est soulignée par des jeux d'opposition entre morale 21) et nature deux termes qu'il réunit dans l'assertion la morale est antinaturelle 26) ; entre loi morale et loi de la jungle 27/28), intégrité primordiale et humanisme 54). Mais le retour à l'état de nature n'est qu'un mythe, une idée non fondée que rejette catégoriquement Bérenger je ne suis pas du tout d'accord avec vous 33) et je ne vous prends pas au sérieux 39). [...]
[...] Il le fait par le mot et l'idée: par le mot, en ayant une argumentation mesurée loin de tout radicalisme; par l'idée en remettant en question le bien-fondé de l'état sauvage qui n'est qu'un mythe. Non seulement ce passage rend compte de la fanatisation de Jean à travers son animalisation mais il annonce aussi la transformation de Bérenger qui contredit ici fermement son ami. D'hésitant et faible en début de pièce, il va ainsi prendre de l'épaisseur au point de devenir le chef de l'opposition minoritaire à la toute fin de la pièce. [...]
[...] Ionesco Rhinocéros (1958/1959) extrait acte tableau 2 Passage : début de l'acte 2 tableau 2 depuis Laissez-moi appeler le médecin, tout de même je vous en prie jusqu'à l'humanisme est périmé ! Vous êtes un vieux sentimental ridicule. Il entre dans la salle de bains. Introduction : Eugène Ionesco (1909 1994) est un auteur dramatique et écrivain français d'origine roumaine. Elu à l'Académie française en 1970, il est le chef de file du théâtre de l'absurde. Parmi ses œuvres, Rhinocéros, dont est extrait ce passage, est une farce tragique et anti-réaliste où la transformation irrationnelle des hommes en rhinocéros doit nous alerter sur les dangers d'une idéologie despotique. [...]
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