Baudelaire écrivait, dans l'Art Romantique : « La passion frénétique de l'art est un chancre qui dévore le reste ». Le poète considérait que la poésie était la clé de la connaissance du monde et qu'elle permettait de pénétrer le sens caché des choses. Il se sentit un temps proche des Parnassiens, à la recherche d'une beauté idéale à travers la perfection formelle, puis abandonna peu à peu les contraintes stylistiques afin de créer « une prose poétique, musicale sans rythme et rime, assez souple et assez heurtée pour s'adapter aux mouvements lyriques de l'âme » (Lettre de dédicace à Arsène Houssaye, Petits poèmes en prose, 1852).
Ainsi, écrivit-il, en 1857, une première version de L'invitation au voyage, en vers, qui parut dans Les Fleurs du Mal, dans la section Spleen et Idéal. Quelques années plus tard, il revint sur le poème et le rédigea en prose, dans un style totalement libre. Les deux textes, portant le même titre, présentent de nombreuses similitudes, tant sur le fond que sur la forme.
[...] Le lieu idéal doit être riche en fleurs miraculeuses et rares La turbulence et l'imprévu sont exclus et le calme et la tranquillité apparaissent comme être tranquille texte 2 l5) indispensables. Baudelaire semble également être particulièrement attaché à l'esthétique des lieux les riches plafonds/ les miroirs profonds cuirs dorés l'orfèvrerie et la faïence des meubles luisants . ) et au luxe riche splendide orfèvrerie Ces éléments, auxquels Baudelaire accorde une importance toute particulière, sont d'ailleurs repris dans le refrain du poème en vers et sont donc répétés trois fois. Cela prouve que le poète éprouvait le désir de les mettre en avant. Le paradis de Baudelaire est donc singulier. [...]
[...] Il s'agit maintenant de voir en quoi l'image de la femme et la conception de l'amour données par le texte s'inscrivent pleinement dans la thématique de Les Fleurs du Mal, le spleen et l'idéal. La figure de la femme est omniprésente dans les deux poèmes. Cela s'explique par le fait que l'un et l'autre (l'Invitation au voyage en prose étant une réécriture de celle en vers) ont été inspirés par une figure féminine, très probablement Marie Daubrun. Ils semblent d'ailleurs lui être directement adressés, quoiqu'aucun élément du texte ne nous permet de l'affirmer. Il y a une analogie faite dans les deux poèmes entre la femme et le paysage. [...]
[...] De plus, on remarque que, dans l'un et dans l'autre poème, Baudelaire multiplie les références aux différentes sensations. Les plus fréquemment citées sont la vue et l'odorat. Dans le poème en vers, les sensations se caractérisent par leur richesse, comme le montre la fréquence des pluriels Mêlant leurs odeurs/Aux vagues senteurs de l'ambre riches plafonds miroirs profonds ou l'idée de surabondance associée à des termes singuliers luxe splendeur volupté Les sensations raffinées s'enrichissent en se mêlant les unes aux autres. [...]
[...] Les textes offrent également un aperçu du bonheur selon Baudelaire. Enfin, s'ils donnent, à première vue, l'image d'un amour partagé et serein dans la durée ce qui est relativement rare chez Baudelaire il n'en reste pas moins que cette sérénité initiale est minée par les méfiances et les angoisses habituelles du poète. Au final, au travers deux textes totalement différents par leur forme, Baudelaire parvient à exprimer les mêmes idées. [...]
[...] ] c'est là qu'il faut aller mourir Les autres tourments du poète sont difficiles à identifier, ou plutôt à interpréter. Peut-être craint-il d'être repoussé: mes pensées [ . ] Tu les conduis doucement vers la mer qui est l'infini (l45-46) ou redoute-t- il un amour à sens unique : Tu les conduis doucement vers la mer qui est l'infini [ . ] ce sont encore mes pensées enrichies qui reviennent de l'Infini vers toi Enfin, Baudelaire évoque incontestablement, dans l'un et l'autre poème, l'idée de l'amour qui s'épuise ou qui s'endort. [...]
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