Voltaire (1694-1778) est l'un des philosophes les plus actifs de son époque au point de devoir s'exiler pour éviter des poursuites. Son conte philosophique éponyme, L'Ingénu, publié anonymement en 1767 afin d'éviter la censure, s'emploie comme tout apologue à divertir le lecteur et à l'instruire par un propos moral et philosophique. En effet, Voltaire y raconte l'histoire d'un Huron confronté à la société française du XVIIe siècle, personnage dont l'innocence non déformée par les préjugés lui confère un esprit philosophique inquiétant pour le pouvoir royal. Quelle forme prend, dans ce passage de l'excipit, la satire sociale de son époque ? (...)
[...] Voltaire considère que le suicide est un droit qu'il défend par l'exemple de Caton d'Utique qui en 46 av J-C s'est percé stoïquement de son épée, mort acceptée car préférable à la résignation face à un César victorieux. La réaction qu'a l'Ingénu de s'évanouir peut paraitre faible pour un homme au XVIIIème siècle mais l'auteur prend sa défense en l'expliquant par son très fort sentiment amoureux. Voltaire explique que pour Dieu, peu importe que l'on se suicide ou non. En cela, il défend le libre arbitre. [...]
[...] Le cruel St Pouange en prendra conscience et essaiera de se racheter en faisant le bien autour de lui. En expliquant la normalité du regret et en redonnant à l'homme la liberté de mourir comme il l'entend, il critique vivement la société contemporaine sclérosée par un catholicisme dogmatique. Enfin, la mort de Mlle de St Yves prépare le lectorat à celle des héroïnes romantiques du XIX° siècle telles que la comtesse de Madame de Mortsauf dans Le Lys dans la vallée d'Honoré de Balzac. [...]
[...] Digne, " elle ne se parait pas " elle ne triche pas. Elle pleure en toute sincérité car elle sait qu'elle est en train de tout perdre et n'accorde pas d'importance à l'apparence. L'auteur s'attache à un cliché littéraire avec la mort de son héroïne mais par son émotion visible, il la différencie d'autres héroïnes telles qu'Antigone, Iseult et Juliette qui se montrent courageuses et héroïques jusqu'au bout. Le registre, sans être pathétique, est sérieux, grave contrairement au reste du conte écrit dans un registre léger et satirique. [...]
[...] Voltaire ne s'appesantit pas sur la description de sa déchéance physique. Sa mort étant très rapide, il ne joue pas sur le pathétique. Sa déclaration d'amour au passé composé je vous ai adoré puis au présent je vous adore montre la permanence de son sentiment amoureux malgré sa trahison. Les personnages ont évolué au cours de l'œuvre et Mlle de St Yves a pris l'étoffe d'une héroïne tragique. Sa vertu est contagieuse puisque tous les personnages finissent par s'améliorer. Malgré la mort de l'héroïne, et c'est en cela que le dénouement est ambigu, le conte se finit bien car les méchants s'amendent et le Huron devient philosophe. [...]
[...] Finalement, on voit qu'il choisit de continuer à vivre, qu'il apprend à supporter la souffrance et que la mort de Mlle de St Yves ne doit pas être un prétexte pour tout abandonner. Cette force de caractère est mise en relief par la triple répétition de la préposition "sans" (35/36) qui insiste dans un rythme ternaire sur la détermination du Huron qui souhaite maitriser son destin. Gordon représente la sagesse, il est qualifié de bon qui s'empêche de dire des fadaises - péjorativement présentés par Voltaire comme des lieux communs fastidieux (39/40) - à l'Ingénu pour le raccrocher à la vie. [...]
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