Albert Camus, écrivain, philosophe, journaliste et résistant du XXe siècle s'attache, à travers ses œuvres, à montrer combien le monde est un « absurde conscient ». Sa pensée est dominée par la conscience de la mort à laquelle l'homme se sait condamné. Ses pièces de théâtre (Caligula, Les Justes), ses romans (La Peste, L'Étranger), aussi bien que ses essais (Noces, Le Mythe de Sisyphe, L'Homme révolté) sont empreints d'Histoire et de philosophie dans le dessein d'une réflexion existentielle. Ils dénoncent l'absurdité de la vie humaine et le scandale du mal.
La Peste (1947) est le récit d'une épidémie qui ravage la ville d'Oran dans les années 40 en Algérie. L'incipit du roman est l'objet de cette étude.
En quoi cet incipit porte-t-il déjà la philosophie de l'œuvre ?
[...] Enfin, les deux adjectifs qualificatifs frénétique et absent rappellent de manière péjorative la double caractéristique de la vie des Oranais : une routine mécanique et un ennui pesant. Témoin privilégié , le narrateur, par l 'exercice de sa subjectivité, offre un point de vue critique sur les Oranais et leur ville, cette dernière représentant symboliquement le monde moderne. Oran, une ville à l'aspect banal et des habitants représentatifs de la condition humaine afin de permettre au lecteur une véritable prise de conscience. [...]
[...] En effet, si le texte s'ouvre sur une neutralité indéfinie, on rapidement, le voisinage de possessifs comme nous, nos, notre oriente ce on vers un nous de connivence. Nous renvoie alors au narrateur et à ses concitoyens mais aussi, sensiblement, au lecteur. Cette implication progressive du lecteur dans le récit témoigne d'une volonté, celle de retourner le miroir : que chacun voie alors peut-être dans la présentation des Oranais une légère caricature de sa propre existence. Exposant les éléments fondamentaux du récit, cet incipit de La Peste sollicite notre réflexion sur le statut du narrateur et sur le sens symbolique de la présentation d'Oran. [...]
[...] Il renvoie tantôt aux Oranais on ne peut plus y vivre on y meurt on s'y ennuie tantôt au narrateur on doit l'avouer La chronique affirme ainsi surtout son ambition collective. Ces curieux événements imposent l'histoire d'une communauté mais aussi le jugement d'une collectivité De l'avis général Les habitants d'Oran semblent donc incarner un certain mode de relation au monde. Ils seraient ainsi représentatifs de la condition humaine. Ils ne se posent pas de questions, mènent une vie banale. Ils évitent tout motif d'inquiétude et toute remise en question. Aussi refusent- ils tout imprévu en planifiant à outrance leur existence. [...]
[...] Par ailleurs, La Peste s'ouvre sur une référence explicite au type d'écriture romanesque qui sera celui du narrateur. En effet, le récit se présente comme une chronique, c'est-à-dire le rapport chronologique d'événements et de faits auxquels il peut éventuellement avoir participé. Mais le narrateur demeurant anonyme, le lecteur s'interroge aussi sur la nature et la fonction de cette instance narrative. Le narrateur se présente comme un témoin privilégié par les circonstances, par le rôle qu'il a été amené à jouer, par les événements auxquels il a été mêlé. [...]
[...] En effet, il ne s'agit pas pour lui de rapporter au jour le jour tous les événements mais de rendre compte de ce qu'il a vu, perçu, compris. Il assure, par sa subjectivité même, un témoignage authentique. Ainsi ce récit qui se définit comme une chronique omet paradoxalement de proposer une datation précise dès l'incipit. Cela prouve bien l'émancipation de la narration par rapport aux exigences propres de la chronique. Anonyme, le narrateur peut donc être identifié à chacun des Oranais. [...]
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