L’incipit, "le lieu stratégique du texte" (Andrea Del Lungo)

Résumé du document

Andrea Del Lungo est un spécialiste de l'œuvre d'Honoré de Balzac qui définit l'incipit étant "le lieu stratégique du texte" ; l'incipit d'un roman est son ouverture, ce mot d'origine latine provient du verbe "incipiere" qui signifie "prendre en main". L'incipit est un moment fort qui a pour but de convaincre le lecteur à continuer son voyage dans l'univers de l'auteur. La fonction principale de l'incipit est d'informer sur le déroulement de l'action et ses protagonistes.

Nous pouvons donc nous demander en quoi l'ouverture d'un roman est révélatrice du regard de l'écrivain sur l'Homme et sur le monde.

Nous allons tenter de répondre à cette interrogation à l'aide de quatre incipits proposés à savoir celui de "Gil Blas de Santillane" d'Alain-René Lesage, un roman picaresque du XVIIIe siècle, celui de "L'Assommoir" (1877) d'Emile Zola, modèle de roman naturaliste et les deux incipits de romans du XXe siècle que sont "L'Etranger" d'Albert Camus et "Le Ravissement de Lol V. Stein" de Marguerite Duras.

Extraits

[...] Pour mettre en scène plus impassiblement encore cette absurdité, Camus a écrit L'Etranger dans un style froid, lapidaire, les phrases courtes marquant une volonté d'échapper à l'esthétique pour mieux établir la cruauté d'un constat pessimiste : chaque Homme meurt sot comme le personnage de son roman. L'incipit du Ravissement de Lol. V. Stein est encore plus déroutant : s'il annonce un récit de vie, il brouille les repères : De quel pays s'agit- il ? Qui est le narrateur ? Quel est son lien avec le personnage éponyme ? [...]

[...] L'accent est mis sur les sensations et événements de la journée où il apprend que sa mère est morte, sans description sans portrait ni constructions élaborée des sentiments du personnage face à cette annonce : pas de trace d'une émotion particulière, d'un chagrin même minime. Tout semble fait pour déconcerter le lecteur pris à contre-attente ; et ceux qui connaissent un peu l'œuvre de Camus peuvent projeter sur cet incipit ce qu'ils savent de sa théorie de l'absurde. En effet, Albert Camus a publié L'Etranger la même année que Le Mythe de Sisyphe, un essai dans lequel il s'interrogeait déjà sur le sens de la condition humaine vouée à l'échec. [...]

[...] Les choix opérés par l'écrivain sur cet incipit trahissent une certaine conception du monde ainsi que de la littérature. Honoré de Balzac veut, avec sa Comédie Humaine, rivaliser avec l'Etat Civil, Camus, lui, s'interroge sur le sens de la condition humaine vouée à l'échec. Les débuts de romans témoignent donc en quelque sorte des idées, des opinions de l'auteur. Si, en littérature, les incipits sont révélateurs de la pensée d'un auteur, on peut se demander de la même manière si les scènes d'exposition de pièces de théâtre, ou de films peuvent elles aussi révéler au spectateur les opinions de l'auteur, ou du réalisateur. [...]

[...] Stein dans un collège. L'auteur peut de la même manière faire un choix quant à l'action et aux personnages, il peut les décrire avec une grande précision, donner simplement leurs fonctions au lecteur ou alors il peut laisser au lecteur le choix de se faire sa propre opinion. Dans ce cas-là, l'auteur laisse un plus grand champ d'action au lecteur qui peut laisser libre cours à son imagination. Ces choix témoignent d'une volonté de l'auteur, de même que la focalisation adoptée par le narrateur. [...]

[...] L'incipit, "le lieu stratégique du texte" (Andrea Del Lungo) Andrea Del Lungo est un spécialiste de l'œuvre d'Honoré de Balzac qui définit l'incipit comme étant le lieu stratégique du texte ; l'incipit d'un roman est son ouverture. Ce mot d'origine latine provient du verbe incipiere qui signifie prendre en main L'incipit est un moment fort qui a pour but de convaincre le lecteur à continuer son voyage dans l'univers de l'auteur. La fonction principale de l'incipit est d'informer sur le déroulement de l'action et ses protagonistes ; nous pouvons donc nous demander en quoi l'ouverture d'un roman est révélatrice du regard de l'écrivain sur l'Homme et sur le monde. [...]