Le 24 mai 1834, Mérimée est nommé inspecteur général des monuments historiques, à la suite de Ludovic Vitet. Ce poste avait été créé en 1830 par Guizot, historien et alors ministre de l'Intérieur. Jusque 1853 Mérimée effectue des voyages annuels en province où il doit répertorier et décrire l'état des monuments historiques français, et recueillir les éléments relatifs à « l'histoire de chaque localité » (Guizot, Mémoires pour servir à l'histoire notre temps, 1830).
Mérimée fait quatre longs voyages en Province : en 1834, dans le midi ; en 1835 dans l'Ouest; en 1837 dans le centre et l'Auvergne puis en 1839 en Corse. Il publie après chaque tournée annuelle ses Notes de Voyage, adressées au ministre sous forme de rapport. Ainsi, les autorités nationales jugent s'il est nécessaire ou non d'investir dans la restauration et l'entretien de ces monuments.
C'est un travail qui n'est pas de tout repos, Sainte-Beuve dit d'ailleurs de Mérimée: « Précis, attentif et positif comme pas un [Mérimée] allait continuer pendant des années cette suite de services d'un détail infini, et qui exigent des déplacements continuels, une sagacité infatigable; il sauvait de la ruine quantité d'édifices intéressants, menacés et méconnus. » (cité in La Naissance des Monuments historiques, la correspondance de Prosper Mérimée avec Ludovic Vitet (1840-1848)).
Son voyage en Corse, où il passe deux mois, se démarque des autres, il exprime au ministre « la rareté et le peu d'importance des monuments de ce pays » (Notes d'un voyage en corse). En revanche, il revient fasciné par ses habitants et leurs coutumes. Ainsi, un an après ce périple en Corse, le 1er juillet 1840, il publie sa nouvelle Colomba dans la Revue des deux Mondes, à partir d'un personnage réel, Mme Colomba Bartoli.
[...] Ainsi Mérimée explique dans Colomba : lorsqu'on craint quelque attaque, on se barricade de la sorte, et l'on peut, à l'abri des bûches, tirer à couvert sur les assaillants Le village corse se transforme alors en champs de bataille ! Des caractéristiques corses: méfiance, honneur et vengeance Une méfiance inhérente aux Corses. Malgré les apparences du village, les Corses occupent bien leurs habitations, les insulaires restent devant leurs portes; chacun semble aux aguets comme un faucon dans son nid ils semblent prêts à faire feu à la moindre menace. le Corse est naturellement grave et silencieux (Colomba) explique l'auteur. [...]
[...] Le jugement du voyageur face à des traces de primitivisme Pour M. Névil, le village corse est un village où l'on est exposé à chaque instant à recevoir une balle dans la tête et la corse un pays où l'on ne voit que meurtres et trahisons Ceci est la vision du voyageur de l'époque qui trouve des traces de primitivisme dans le territoire qu'il visite. Le primitivisme s'inscrit tout au long des deux nouvelles: Mateo qui tue son fils pour sauver l'honneur de sa famille, Colomba et ses coutumes anciennes que Miss Névil juge comme étant les vieilles mœurs de la Corse C'est même parfois du paganisme dans certains usages de Colomba comme l'« amas qu'on a évoqué précédemment. [...]
[...] L'arrivée des voyageurs anglais en corse dans Colomba révèle un territoire désert, tout dans ce paysage est d'une beauté grave et triste et ils ne voient aucune habitation, à part des chapelles funéraires, le long des sentiers, c'est un paysage inquiétant. Une fois arrivés dans le village, l'atmosphère reste inquiétante: on n'entend point parler haut, rire, chanter, comme dans les villes italiennes. nul mouvement dans les rues On a l'impression d'entrer dans un village fantôme. Dans cette vision, on peut rapporter les propos de Miss Névil: il parait que l'air de votre île ne donne pas seulement la fièvre, mais qu'il rend fou c'est bien dans le prolongement de cette atmosphère inquiétante, presque mystérieuse du village corse. [...]
[...] Lorsque Mateo a tué ses ennemis, (car il a cédé aux attentes de sa sœur), les bandits commentent son coup de fusil impressionnant: Deux en deux coups! [ ] les deux frères! S'il avait eu un troisième coup, il aurait tué le papa On fera mieux une autre fois l'acte de tuer est complètement tourné en dérision, les bandits décrits par Mérimée n'ont pas d'état d'âme, le coup est trop beau pour qu'on le regrette disent-il d'ailleurs. Et les bandits sont fiers de ce qu'ils font: Avec ce porte respect (il montrait son fusil), on est roi partout, aussi loin qu'il peut porter la balle. [...]
[...] Cette entraide entre les Corses contribue à ce que les classes sociales ne soient pas distinguées en corse. Mérimée explique dans ses Notes de Voyages: riches et pauvres ont les mêmes idées parce qu'ils échangent sans cesse C'est renforcé par le fait qu'ils soient tous plus ou moins parents. Les Corses vivent dans l'échange et l'entraide, que ce soit lorsqu'il faut faire face à des ennemis communs ou bien ravitailler les maquisards. Ainsi Colomba donne de la poudre et de la nourriture à la petite Chilina pour qu'elle aille ravitailler son oncle Brandolaccio, en échange Colomba sait qu'elle peut compter sur le bandit pour qu'il recueille Orso dans le maquis après avoir tué les frères Barricini. [...]
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