La Petite fille aux allumettes, La Petite marchande d'allumettes, Hans Christian Andersen, Allumette, Tomi Ungerer, littérature de jeunesse, École des loisirs, enfant, histoire pour enfants, George Lemoine
Le choix de ce corpus appelle à poser un regard, déjà, sur l'évolution du genre de l'album pour enfants et permet, surtout, de s'attarder un peu sur les processus de réinterprétation — notamment, ici — d'un conte comme celui, intemporel, d'Andersen. Ce conte, né au XIXe siècle et transmis dès lors, murmure à l'oreille de Georges Lemoine et Tomi Ungerer, deux artistes qui, bien qu'explorant cette vieille histoire, illustreront le virage opéré par le livre pour enfants à la fin des années 1960 ; tournant décisif qui en fera un champ de création littéraire et artistique à part entière. Cette décennie marquée par des (r)évolutions socioculturelles, à l'instar des mouvements de Mai 68, voit le secteur du livre pour enfants se transformer. L'école des loisirs, fondée en 1965, participe à cette révolution et édite des ouvrages abordant de nouveaux thèmes. La publication du travail d'Ungerer à partir de 1968 accompagne cet élan. Le dialogue entre le texte et les images évolue et témoigne d'un changement dans la fonction du livre pour enfants, lieu d'évocation et d'appréhension du monde.
[...] La Petite fille aux allumettes - Hans Christian Andersen (1978) ; Allumette - Tomi Ungerer (1997) et La petite marchande d'allumettes - Hans Christian Andersen (1999) - Histoire de la littérature de jeunesse 2023-2024 Évaluation du cours du premier semestre Unité fondamentale « Histoire de la littérature de jeunesse » Analyse d'un corpus d'illustrations tirées des présentes éditions Hans Christian Andersen (1978). La Petite fille aux allumettes (illustré par Georges Lemoine). Gallimard Enfantimages Tomi Ungerer (1997). Allumette. L'école des loisirs Hans Christian Andersen (1999). [...]
[...] » En ce voyage, à travers les illustrations, sur le fil des interprétations successives de La Petite fille aux allumettes par Georges Lemoine et Tomi Ungerer, on découvre une évolution des couleurs, des formes et des regards posés sur le récit. L'un comme l'autre a façonné ce conte intemporel dans l'enclume des époques qui les ont préoccupés. Georges Lemoine, en 1978, tisse une toile délicate et encadre l'enfant au destin tragique dans un cocon couleur pastel. Tomi Ungerer, en 1997, injecte au récit un peu de la satire qu'il aime à manier, transformant Allumette en une figure décharnée, reflet d'une réalité sociale post-guerre. [...]
[...] l'innocente inconnue rejoignait dans la souffrance sa sœur jumelle, celle à laquelle Andersen avait, au XIXème siècle, donné, puis ôté la vie. » Alors, pour réinterpréter le récit, Lemoine use de tons bruns et gris, que percent parfois des éclats de rouge sous un ciel occulté. L'image est opaque, l'artiste préfère cette fois l'opacité de la peinture à l'huile pour ériger ces compositions fragmentées. L'opacité de la technique choisie évince le blanc des pages ; aucun espace, aucun refuge ici non plus, pour La petite marchande d'allumettes. [...]
[...] Les allumettes, symboles de lumière fugace, éclairent non seulement les pages du livre, mais aussi les ruelles sombres des bidonvilles, les rues glacées d'après-guerre et les décombres d'une ville occupée. Ainsi, ces interprétations successives nous invitent à contempler l'évolution du genre de l'album pour enfants et la capacité d'un conte à résonner au fil du temps. La Petite fille aux allumettes continue de brûler, illuminant de ses flammes les pages des livres et les regards de ceux qui osent s'y plonger, offrant une mélodie intemporelle de souffrance, d'espoir et de rédemption. Il est peut-être une page, quelque part, où nos trois Allumettes se rencontrent et se réchauffent enfin. [...]
[...] Ungerer peint ce décor d'une épaisse couche de couleurs vives et foncées. Enfant marqué par l'occupation allemande, l'artiste sait griser les rues, il les a vues s'assombrir. Son dessin adopte les codes du cartoon et de la publicité, jusqu'à nous transporter, aussi, du côté des peintres allemands, ceux des villes débordantes et des corps écorchés, tels que George Grosz ou Otto Dix. Cette attitude dans le dessin lui permet d'accomplir son pouvoir satirique, et d'évoquer aussi une époque où la recrudescence de sans-abris a vu d'autres Allumettes courir nos rues. [...]
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