Rimbaud a eu une trajectoire fulgurante : il a écrit la totalité de ses poèmes entre seize et vingt-deux ans. Son oeuvre est courte, mais elle a profondément révolutionné la poésie française. Le texte que nous étudions est tiré de Illuminations, ensemble de quarante-quatre poèmes en prose rassemblés par les amis de l'auteur. Ce recueil est en effet paru en 1886, c'est-à-dire une dizaine d'années après que Rimbaud eut fini d'écrire.
Le poème intitulé « Fleurs » est situé au milieu du recueil. On y retrouve les thèmes essentiels de l'auteur, ses « visions », ses « sophismes magiques », et surtout « l'hallucination des mots ». La richesse de ce texte peut être approchée sous trois angles : la primauté de la vue qui donne au poème une dimension « spectaculaire » ; la dynamique du texte sera ensuite appréhendée à travers le parcours poétique qu'il nous propose ; enfin nous essaierons de retrouver, dans ce texte en prose, les ambitions de l'oeuvre rimbaldienne (...)
[...] L'exemple de digitale est notoire à cet égard : ce mot contient la fleur dans toute son extension, avec sa couleur (généralement violet le long des talus et des chemins qu'a longuement parcourus celui qui se désignait comme un piéton, rien de plus sa forme en fleurs pendantes et comparables à un doigt, sa toxicité aussi qui génère des hallucinations. Les mots retenus par le poète pèsent alors de tout le poids de leur histoire. Pour changer notre vision du monde, Rimbaud va jusqu'à refuser le sens habituel et rompre la logique du quotidien. [...]
[...] Rimbaud sera considéré comme un des grands fondateurs de la poésie moderne. Pour ses successeurs, les surréalistes comme Breton et Eluard, les poètes engagés comme Desnos, Emmanuel ou René Char, les Oulipiens comme Queneau ou Perec, la poésie cessera d'être une simple forme d'expression pour devenir un état d'esprit et un art de vivre. Annexe : Préparation du commentaire composé du poème de Rimbaud Fleurs Etude du vocabulaire (du lexique) : Agate = variété de calcédoine aux teintes nuancées et contrastées cercles concentriques) utilisée comme pierre précieuse verre marbré imitant cette pierre gradin = degré d'escalier chacun des bancs disposés en étage d'un amphithéâtre les différents plans d'un terrain petite marche formant étagère sur un meuble terrasse = terrain en gradins surface d'un bloc de marbre, d'une pierre précieuse, qui ne prend pas le poli gaze = tissu léger de soie/lin/laine à fils sinueux voile transparent gazon sans fleurs (poème Larme) bronze = alliage de cuivre et d'étain (airain) objet d'art en bronze qui a la dureté, la patine du bronze ; dur, insensible digitale = plante herbacée vénéneuse, longues grappes de fleurs pendantes en forme de doigtier ; appelée aussi gant de Notre-Dame, doigt de la Vierge. [...]
[...] Ainsi, tout au long du texte, le poète fait naître de nouvelles associations entre les mots, fondées non pas sur le sens, mais sur le son. Dans le premier paragraphe, nous trouvons les assonances en g et z dans gazes / grises / bronze», en v et r dans velours verts en is et k dans disques / cristal / noircissent A noter que le son z était peu employé dans la poésie traditionnelle : il fait partie de l'esthétique de la modernité. [...]
[...] La digitale pourpre, ou la plus grande digitale, pousse partout en France. Très toxique, empoisonne les animaux. Médicalement, sert pour le rythme cardiaque. Baudelaire en absorbait à la fin de sa vie : en 1865 à Bruxelles, il souffre de douleurs au cerveau et de vomissements. Ses médecins lui prescrivent des pilules à base d'opium, de digitale, de belladone, de quinine. [...]
[...] Le caractère spectaculaire de ce lieu est indiqué par plusieurs éléments d'architecture, gradin d'or disques de cristal bronze piliers d'acajou dômes terrasses de marbre Ce théâtre à ciel ouvert est situé près de la mer, yeux bleus entre la mer et le ciel On pourrait même y deviner la présence de spectateurs (les yeux chevelures leurs vêtements cordons de soie-gazes-velours- satin blanc Nous serions donc dans le lieu de naissance de la culture occidentale, encore marqué par la présence de la divinité un dieu de la matrice originelle la mer qui sous-entend son homophone, la mère). Par cette mise en scène, le poète aurait préparé nos esprits à le suivre dans son parcours poétique et amoureux, autrement dit à l'accouchement de son oeuvre. [...]
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