Dans son roman Quatre-vingt-treize qu'il consacre, en 1874, à la guerre civile vendéenne, Victor Hugo nous présente trois grandes figures de la révolution : Robespierre "l'Incorruptible", Danton "l'Indulgent", et Marat "l'Ami du peuple". Les réunissant dans l'arrière-salle d'un café, il fige son récit pour nous présenter un portrait statique des trois hommes. Examinant avec l'auteur les visages et tenues vestimentaires des trois personnages, nous les découvrons tels que la mémoire et la légende les ont depuis constitués. Pour obtenir un tel effet, Victor Hugo a travaillé dans deux directions essentielles : promenant le faisceau mobile de l'écriture sur un tableau fixe, il a adopté un ordre d'apparition pour ses personnages dont l'anonymat se trouve subtilement à la fois préservé et dévoilé. Quant au détail de la description, par le feu des contrastes et le choix des termes, il permet à l'évocation des trois personnages de prendre une dimension légendaire. Envisageons successivement ces deux points.
Justification du plan
Problématique : S'agissant d'un tableau écrit, et donc soumis à la loi de succession et à l'impossibilité d'épuiser tout le champ du regard, quels éléments voyons-nous, et dans quel ordre ? Quel emploi est fait des couleurs et des contrastes ?
Il nous a paru logique de commenter d'abord le trajet imposé à notre regard. Restait à apprécier le travail du peintre, et, en particulier, la mise en relief de ces personnages légendaires obtenue notamment par les oppositions et un usage savant du lexique (souffle épique). Un plan par personnages eut été désastreux parce que juxtalinéaire et répétitif.
I. Architecture de la page
A. L'ordre adopté
1) Préséance à Robespierre
Si le portrait de Robespierre ouvre la série, ce n'est pas dû au hasard : sans aucun doute Victor Hugo a voulu accorder la préséance à cette figure autoritaire et intransigeante en qui s'incarnent les plus grandes exigences de la Révolution française ; rien ne nous autorise (...)
[...] Justification du plan Problématique : S'agissant d'un tableau écrit, et donc soumis à la loi de succession et à l'impossibilité d'épuiser tout le champ du regard, quels éléments voyons-nous, et dans quel ordre ? Quel emploi est fait des couleurs et des contrastes ? Il nous a paru logique de commenter d'abord le trajet imposé à notre regard. Restait à apprécier le travail du peintre, et, en particulier, la mise en relief de ces personnages légendaires obtenue notamment par les oppositions et un usage savant du lexique (souffle épique). Un plan par personnages eut été désastreux parce que juxtalinéaire et répétitif. I. Architecture de la page A. [...]
[...] Marat Curieusement, une impression du même ordre mais dans le registre opposé émane du portrait de Marat. L'accumulation des indications sordides ou malsaines, à première vue réalistes comme yeux injectés de sang plaques livides cheveux gras et plats gilet qui semblait avoir été de satin blanc produit au moins autant le frisson que le dégoût. Plus en effet que la maladie et ta crasse, on sent chez le nain familier des légendes, une puissance venimeuse qui l'apparente au rat ou au serpent. [...]
[...] La couleur écarlate de Danton se détache en effet sur le blanc et bleu-clair de Robespierre et le jaune de Marat. Le tableau en acquiert un relief indéniable. B. Texte alloué à chacun L'agencement de ces portraits comporte encore d'autres caractéristiques. Considérons d'abord la quantité de texte allouée à chacun des personnages ; le discret Robespierre est présenté en quatre lignes, Danton se taille la part du lion avec trois lignes de plus, tandis que Marat est traité en cinq lignes. [...]
[...] Regards et chevelures Les regards et les coiffures donnent lieu à des contrastes du même ordre : Robespierre a le regard froid et porte une perruque poudrée, en fanatique de la rigueur ; Danton a les cheveux tout hérissés et l'œil éclatant du généreux débordant de vitalité ; Marat a les yeux infectés de sang et les cheveux gras et plats du malade qu'il était, habité en outre par la rage d'un justicier populaire. B. Lexique Ces effets de contraste sont, on le voit, porteurs d'information. Ils se trouvent renforcés par un choix de termes qui parachèvent la constitution d'une atmosphère de légende. En envisageant successivement lé lexique utilisé pour chacun des trois personnages, on montrera comment des indications apparemment réalistes ou anecdotiques contribuent à leur conférer une dimension mythique. Robespierre Tous les mots qui soulignent la rigueur et la netteté de Robespierre poudré, ganté, brossé, boutonné . pâle, jeune, grave . [...]
[...] Conclusion : art de la progression ; sens du contraste ; tels qu'en eux- mêmes l'éternité les change Pour présenter trois grandes figures de la Convention Nationale, Victor Hugo a donc habilement agencé ses portraits : commençant par décrire l'impassible et strict Robespierre, il a ménagé une progression pourvoyeuse de surprises et de contrastes qui lui permet de fermer le texte sur la figure négligée et repoussante de l'Ami du peuple Entre ces deux modèles de netteté absolue et de laideur terrifiante, il a fait exploser la figure désordonnée et généreuse de Danton. [...]
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