L'homme aux trois lettres, Pascal Quignard, Dernier Royaume, devise du diable, non serviam, Occident chrétien, abstraction du langage, révolte de la littérature, Jean-Jacques Rousseau, langage oral, servitude de la littérature
"L'homme aux trois lettres" a été publié en 2020. Il s'agit du XIe tome de son oeuvre "Dernier Royaume", une oeuvre sans borne, et toujours en cours. Chaque tome est consacré à une question et dans celui-ci, la question centrale est celle de la définition de la littérature. L'extrait à étudier se comprend dans cette perspective : "non serviam", telle est la devise du diable dans l'Occident chrétien.
[...] On peut en faire ce qu'on en veut, il écrit pour le plaisir et pour le souvenir de ce plaisir. Même en dehors du genre de l'écriture de soi, l'isolation semble essentielle, comme l'écrivait en 1858 Flaubert qui se détachait du monde de longues heures pour écrire : Je vis comme un ours et je travaille comme un nègre . L'isolation dans la littérature n'est pas totale en ce sens qu'elle est partagée par le lecteur. La lecture à huis clos, silencieuse, est comme une prière, un moment de communion avec l'auteur, ce qui atténue le détachement du monde. [...]
[...] Chaque tome est consacré à une question et dans celui-ci, la question centrale est celle de la définition de la littérature. L'extrait à étudier se comprend dans cette perspective : "non serviam", telle est la devise du diable dans l'Occident chrétien. C'est ainsi que la littérature est diabolique : elle quitte la langue parlée. Je ne servirai pas. Je ne parlerai pas. Elle quitte le Verbe pour le Silence. La littérature dédaigne l'interlocution et gagne la solitude. Elle quitte le dialogue et rejoint le Verbe. [...]
[...] L'écriture porte l'aliénation et le rêve de l'histoire. Barthes n'est pourtant pas dupe. Il n'indique pas un chemin tout tracé à l'impasse de la littérature moderne, mais invite tant les écrivains que les lecteurs à une attitude critique et démystificatrice de la création littéraire. C'est de cette manière que nous prolongeons la pensée de Quignard : la littérature ne se constitue pas comme pure transcendance à la fois par rapport au monde et par rapport à son signe. Le besoin de lutte, de révolte pour s'abstraire de la servitude semble nécessaire et consubstantiel à la littérature, mais il souligne surtout l'impératif de porter un regard critique sur un discours qui opère la mystification. [...]
[...] Les sociétés modernes ont perdu ce rapport tragique au monde et semblent chercher une vérité qui se cache au-delà des choses et qui est toujours atteignable, les hommes cherchent un idéal, et c'est ce à quoi semble appeler Quignard, qui refuse la servitude de la littérature aux choses mêmes. Dionysos s'est endormi et Apollon ne brille plus que pour les idées , des chimères qui nous détachent de la vie. Nietzsche ajoute que si nous parlons de la poésie d'une manière si abstraite, c'est que nous sommes d'ordinaire tous de mauvais poètes . [...]
[...] On pourrait alors penser que l'autonomie de la littérature par rapport au monde et au langage parlé ne peut pas être totale. L'accomplissement de la révolte de la littérature à l'égard de son origine et de l'usage vulgaire de son outil risque de corrompre sa perfection, sa servitude est féconde L'autonomie absolue de la littérature, qui refuserait le langage parlé, effacerait tout un pan de son existence. La lecture du texte à voix haute est consubstantielle à certains genres littéraires, parmi lesquels on peut trouver celui du conte. [...]
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