Le chant XIII s'ouvre sur les préparatifs du départ : Alcinoos charge le navire de cadeaux pour son hôte qui l'a charmé par ses récits extraordinaires. Le navire des Phéaciens vogue de nuit vers Ithaque. Ulysse est profondément endormi à la poupe, d'un "doux sommeil" "profond et tout pareil au calme de la mort" (v.79-80). Les vers soulignent l'adresse des Phéaciens en matière de navigation : Ulysse est en sûreté (...)
[...] Vers 93 à 95 Le matin qui se lève ici est particulièrement de bon augure. Quatre mots expriment la lumière : astêr, l'étoile, Eôs, l'aurore, avec son épithète de nature habituelle fille du matin et la lumière, phaos, répétée dans le superlatif phantatos, très brillant. Les verbes de mouvement, se lever s'avancer sont eux aussi positifs, indiquant une progression, ce que dit aussi l'épithète du nom navire : pontoporos, qui traverse la mer, c'est-à-dire qui sait se frayer un chemin sur la mer, ce qui a été si difficile pour Ulysse. [...]
[...] Le mot pharea, ici étoffe, est parfois le nom donné aux voiles des navires, comme au chant V de l'Odyssée : c'est la nymphe Calypso, au vers 258, qui a apporté l'étoffe pour en faire de la voile, tissée par elle-même (cf. v.62 : elle est en train de tisser quand arrive Hermès). Mais on pense aussi à Pénélope, épouse éplorée d'Ulysse, qui fait et défait le voile qu'elle tisse (II ; XIX ; XXIV, 132) ; la référence à Athéna est double, puisque c'est une ruse recourant au métier à tisser. [...]
[...] Les abeilles, qui construisent leurs rayons, sont aussi à rapprocher d'Athéna : d'industrieuses ouvrières, qui annoncent le tissage des Naïades. L'énumération, qui exprime l'abondance, et traduite par Jaccottet dans la répétition de l'adverbe là (eita de) continue avec les métiers à tisser de pierre, de bonne longueur (perimêkees). L'humain et le surnaturel se mêlent une fois encore, dans cette image magnifique des algues probablement accrochées aux rochers et dessinant les motifs et les formes de vêtements ; le poète y voit la main des Naïades tisseuses. [...]
[...] Les eaux intarissables mentionnées ensuite sont comme le miel un élément suggérant l'abondance et l'éternité, par le préfixe grec aei : toujours. Ce lieu recèle une part de divinité, et la suite du texte le confirme. En effet, les derniers vers font de cette grotte un lieu de rencontre possible, de passage pour les hommes et les dieux. Il y a deux portes (retour au binaire harmonieux, renforcé par la construction l'une l'autre hai men, hai d'), deux directions, le Nord et le Sud. Chaque porte est empruntée ou par les hommes ou bien les dieux, de manière exclusive. [...]
[...] C'est l'entrée Nord, logiquement, qu'Athéna fermera d'une pierre, après qu'elle et Ulysse auront caché dans l' antre merveilleux les présents des Phéaciens (v.362 à 371). Conclusion Ce passage descriptif annonce l'arrivée d'Athéna aux côtés d'Ulysse, maintenant sauvé, jusqu'au dernier chant du poème. Mais mise en valeur par la prolepse, cette description est aussi l'occasion de resserrer la cohérence du poème entier : la grotte merveilleuse des Naïades est non seulement le lieu fréquenté par les dieux et les hommes, où la déesse Athéna et l'homme Ulysse vont ensemble cacher le butin du héros, mais aussi un lieu de la narration qui, dans une sorte de parenthèse, laisse entrevoir la complexité de sa composition d'ensemble et la puissance de sa cohérence narrative et poétique. [...]
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