Le Brésil fut découvert par le Portugais Pedro Álvares Cabral en 1500, mais sa colonisation débuta réellement dans les années 1530. La France essaya aussi de s'implanter au Brésil à partir de 1560 car il s'agissait d'une zone commerciale très importante, notamment à cause de la profusion sur cette terre d'arbres « couleur de braise » dont on tire un pigment rouge très durable qui était particulièrement prisé dans l'Europe du XVIème siècle. C'est de ces arbres que vient le nom de Brésil.
Après une première victoire contre les Portugais, les Français envoient en 1555 pour maîtriser le territoire, et surtout la mer, six cents colons dirigés par Villegagnon, un protestant. Jean de Léry [1536-1613] rejoint Fort-Coligny en 1557, en tant que cordonnier avec une dizaine d'autres protestants. Mais Villegagnon abjure le protestantisme, redevient catholique, et persécute les protestants présents avec lui dans la colonie, dont Jean de Léry. Les protestants sont contraints de quitter le camp français et se réfugient durant huit mois parmi les Indiens Tupinambas, avant de pouvoir reprendre un bateau pour la France.
De retour en France, Jean de Léry devient pasteur protestant et est particulièrement marqué par le massacre de la Saint-Barthélémy (1572) et les guerres de religion entre catholiques et protestants. Vingt ans après son séjour au Brésil, Jean de Léry publie le récit de son expérience dans son Histoire d'un voyage en la terre du Brésil (1578). Il y décrit la vie, les moeurs et les coutumes des Indiens Tupinambas, tout en gardant en mémoire les drames de la Saint-Barthélemy, à laquelle il fait allusion par exemple dans la description du cannibalisme des Tupinambas, selon lui moins condamnable que celui des catholiques envers leurs frères protestants pendant les guerres de religion. Le chapitre 13 rapporte une conversation qu'eut prétendument Jean de Léry au Brésil avec un vieillard Tupinamba, chapitre dont l'inter-titre met en avant les qualités de cet Indien : « Colloque de l'auteur et d'un sauvage montrant qu'ils ne sont si lourdauds qu'on les estimait. »
Problématique de lecture : Jean de Léry se contente-t-il dans ce passage de faire un éloge des Tupinambas, comme cet inter-titre du chapitre le laisse croire ? (...)
[...] Problématique de lecture : Jean de Léry se contente-t-il dans ce passage de faire un éloge des Tupinambas, comme cet inter-titre du chapitre le laisse croire ? I. LA RECONSTRUCTION RÉALISTE D'UN DIALOGUE AUTOBIOGRAPHIQUE ENTRE LE TUPINAMBA ET L'EUROPÉEN : LA DÉCOUVERTE DE L'ANCIEN MONDE PAR L'INDIEN A. Le récit autobiographique d'un dialogue entre deux inconnus présenté comme un souvenir réel de son voyage Définition de l'autobiographie : récit rétrospectif en prose qu'une personne réelle fait de sa propre existence, lorsqu'elle met l'accent sur l'histoire de sa personnalité. [...]
[...] Cet étonnement se manifeste aussi par l'interjection Ha, ha (l.17), suivie de l'expression tu me contes merveilles (l.17), c'est-à-dire tu me dises des choses étonnantes On note un changement de ton à partir de la ligne 24. Les questions que formule le Tupinamba sont maintenant des interrogations oratoires : vous faut-il tant travailler à passer la mer, sur laquelle ( ) vous endurez tant de maux, pour amasser des richesses ou à vos enfants, ou à ceux qui survivent après vous ? (l.35-39) ; La terre qui vous a nourris n'est-elle pas aussi suffisante pour les nourrir ? [...]
[...] À ses enfants, s'il en et à défaut d'iceux18 à ses frères, sœurs, ou plus prochains parents. Vraiment, dit lors mon vieillard (lequel comme vous jugerez n'était nullement lourdaud), à cette heure connais-je19 que vous autres Mairs, c'est-à-dire Français, êtes de grands fous : car vous faut-il tant travailler20 à passer la mer, sur laquelle (comme vous nous dites étant arrivés par-deçà) vous endurez tant de maux, pour amasser des richesses ou à vos enfants ou à ceux qui survivent après vous ? [...]
[...] CONCLUSION : Jean de Léry ne se contente donc pas de faire à travers ce passage un éloge de l'Indien : au-delà du témoignage favorable apporté par Jean de Léry sur les Tupinambas, on trouve ici une invitation de portée universelle et intemporelle à regarder l'autre de manière différente et surtout à mieux se regarder soi-même. La reconstruction littéraire de cette anecdote présentée comme réelle et autobiographique permet en effet à Jean de Léry de placer l'Europe sous le regard du Nouveau Monde. Et l'autre, auquel s'apparente l'Indien du Brésil pour les Européens de l'époque, est ici le moyen littéraire d'une critique virulente des pratiques européennes et d'une remise en cause des fondements de la colonisation. [...]
[...] 1 Commentaire d'un extrait du chapitre 13 de l'Histoire d'un voyage fait en la terre du Brésil (1578) de Jean de LÉRY TEXTE (orthographe modernisée) ET NOTES EXPLICATIVES : Chapitre XIII : Des arbres, herbes, racines et fruits exquis que produit la terre du Brésil Colloque1 de l'auteur et d'un sauvage montrant qu'ils ne sont si lourdauds2 qu'on les estimait Au reste, parce que nos Toüoupinambaoults sont fort ébahis3 de voir les Français et autres des pays lointains prendre tant de peine d'aller quérir4 leur Arabotan, c'est-à-dire bois de Brésil, il y eut une fois un vieillard d'entre eux, qui sur cela me fit telle demande : Que veut dire que5 vous autres Mairs et Peros, c'est-à-dire Français et Portugais, veniez de si loin quérir du bois pour vous chauffer ? [...]
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