"Histoire de l'œil" de Georges Bataille et "L'Amant de Lady Chatterley" de D.H. Lawrence postulent toutes deux l'érotisme comme expérience de soi, la mise en scène de la rencontre charnelle donnant accès à une connaissance de soi. Ces deux hommes qui ont palpé les limites de leur foi monothéiste, l'un dans le protestantisme, l'autre dans le catholicisme, ont recherché dans l'étude des religions sans divinité la désaliénation à travers l'expérience du dionysiaque.
D'après la nature idéale du Soi omniscient, le terme « embrassé » sur lequel repose l'analogie ne possède pas le même sens : dans la seconde proposition, il s'agit d'un sens métaphorique, plus proche d'une notion d'englobement, tandis que la première occurrence du mot recouvre un acte charnel, du domaine du concret.
De plus, la relation d'égalité frontale qui relie le « je » et le « tu » n'est pas identique à celle d'inclusion que suppose les termes de « soi » et de « soi omniscient », le second par son étendue spatiale et temporelle étant en surplomb par rapport au premier.
Dans quelle mesure cette perception de la rencontre entre un soi et une instance extérieure permet-elle d'éclairer le sens de la métaphore de l'acte sexuel dans les œuvres de Bataille et Lawrence ?
[...] "Histoire de l'œil", Georges Bataille et "L'Amant de Lady Chatterley", D.H. Lawrence - l'érotisme comme expérience de soi Histoire de l'œil de Georges Bataille et L'Amant de Lady Chatterley de D.H. Lawrence postulent toutes deux l'érotisme comme expérience de soi, la mise en scène de la rencontre charnelle donnant accès à une connaissance de soi. Ces deux hommes qui ont palpé les limites de leur foi monothéiste, l'un dans le protestantisme, l'autre dans le catholicisme, ont recherché dans l'étude des religions sans divinité la désaliénation à travers l'expérience du dionysiaque ; et l'on peut trouver en effet dans le corpus de citations qui forme le socle de croyances hindouistes des extraits qui, s'ils ont pu nourrir leurs études, peuvent du moins permettre de penser leurs œuvres, comme cette phrase reprise par Mario Pratz : De même qu'un homme embrassé par sa bien-aimée ne sait plus rien du et du ainsi le soi embrassé par le Soi omniscient ne sait plus rien d'un moi-même au-dedans ni d'un toi-même au-dehors à cause de l'unité L'expression soi omniscient recouvre la notion spirituelle d'une essence divine de l'homme, à la fois infinie et universelle. [...]
[...] Le seul Soi omniscient qui peut exister en l'homme n'est que la tension vers lui. Chez Lawrence, il semble qu'il y ait échec : on trouve chez lui la vision positive de l'acte sexuel fécond et reproducteur, dépassant ainsi la vie des individus. En effet, ce qui préside à l'accouplement de Mellors et Constance, ce sont les larmes de Constance dans toute l'angoisse de sa génération perdue 218), car elle pense qu'elle n'enfantera pas. Le livre se clôt sur une naissance à venir, mais la joie est absente, car le principe de réalité empêche la pleine expression de la voie choisie pour l'actualisation dans le sensible du désir omniscient. [...]
[...] Mellors, le garde-chasse, est caractérisé par son appartenance aux bois, lieu de l'animalité, de la proximité au corps, tandis que Constance est marié à un paraplégique qui la cantonne dans la sphère de l'esprit, malgré sa nature sensuelle, développée dans la description pages 54 et 55 : saine campagnarde solide énergie Parce qu'il la regarde et la touche comme une femelle elle découvre la femelle en elle. C'est lui qui lui apprend par ses actes la simplicité de l'union charnelle : leur premier coït en est un exemple frappant, par l'absence de détours de Mellors. [...]
[...] L'incarnation dans le sensible de cette poussée trouve deux réalisations distinctes : chez Bataille, la mort, chez Lawrence, la reproduction. Mais la nature idéale du Soi omniscient résiste à son actualisation : l'unité n'est jamais trouvée. Il survit chez Bataille sous la forme du désir perpétuellement renouvelé, et se dissout chez Lawrence sous la pression sociale. [...]
[...] Simone demeurait sur les dalles, ventre en l'air et la cuisse dégouttant du sperme du mort La mort du religieux n'est mentionnée explicitement que dans le complément du nom du mort associé au sperme La mort n'est donc que l'expansion de la sexualité, si naturellement qu'il n'est pas besoin de s'y attarder. Néanmoins, la mort frappe le prêtre, et non le personnage dont la jouissance est dépeinte : ainsi, Bataille exprime la contradiction entre tension vers le Soi omniscient et persistance dans cette tension. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture