Commentaire de texte sur L'Histoire de Juliette, ou les Prospérités du vice.
[...] « J'aimerais les fonctions de Proserpine », dit Clairwil. Proserpine est l'équivalent latin de la déesse grecque Perséphone, enlevée par le dieu de la mort Hadès, alors qu'elle ramassait des fleurs. Hadès, dont un autre nom est Sérapis, est également cité au début du texte par Juliette, qui visite les « magnifiques débris » de son temple, « édifice . superbe ». Proserpine, déesse des Enfers, est quant à elle l'objet de l'admiration de Mme de Clairwil. Celle qui ramassait des fleurs est à présent prisonnière et reine du monde infernal, que Sade souhaite voir advenir dans la vie: « Semons-donc des fleurs sur-cette carrière-que nous devons-parcourir en-si peu de temps ». [...]
[...] Clairwil revendique son rejet total des sentiments, son goût pour les pratiques les plus horribles. Juliette désormais ne se contente plus de regarder de beaux monuments ou des paysages évocateurs de violence, mais elle écoute l'enseignement de Clairwil. « --Allons-visiter l'enfer, -me-dit-Clairwil, en-voyant-ces-eaux. ». L'attirance de celle-ci pour les tourments éternels introduit la méditation de Juliette, clôture du texte. La méditation dans un paysage de ruines où rappelant la culture antique devait devenir, chez les romantiques français et allemands, un thème récurrent. [...]
[...] Le guide de Juliette, Raphaël, est lui-même un « fouteur ». Mais l'admiration pour les ruines, un classique de cette époque en peinture comme en littérature, née à la fin du XVIIIe siècle et largement développée par les romantiques du début du XIXe siècle, conduit également à l'habituelle réflexion sur le temps qui passe et sur la mort, elle aussi détournée par Sade à sa manière. Le texte fourmille de références à l'Antiquité, bien connues des lecteurs contemporains de Sade et de leurs successeurs au XIXe siècle. [...]
[...] Sa méditation épouse les mouvements du voyage et s'en nourrit. A travers elle Sade, comme souvent, fait l'apologie du mal en s'appuyant sur les exemples de figures historiques ou mythologiques, procédé largement utilisé mais à d'autres fins depuis Montaigne. Les exemples tirés de la culture antique, la référence à la sagesse des Anciens, servent à justifier des recommandations pour le présent. Ici l'Antiquité cautionne aux yeux de Juliette, et donc potentiellement à ceux des lecteurs, que Sade veut gagner à sa cause, les comportements pervers extrêmes. [...]
[...] Le voyage formateur des jeunes gens au XVIIIe siècle est ici détourné de sorte que les beautés découvertes par Juliette sont des beautés maléfiques associées à des personnages tels que Sérapis, Caligula, Lucullus, Minos, Proserpine, Caron. Sade ne craint pas d'introduire des figures historiques (Caligula, Lucullus) parmi les nombreuses figures mythologiques. C'est qu'il n'y a aucune différence, selon lui, entre fiction et réalité, mensonge et vérité, vie et mort. L'enfer devient enviable, les humains pervers viennent rivaliser en grandeur avec les dieux antiques. Leur cruauté peut même les conserver dans la mémoire de tous pour toujours après leur mort, et ainsi leur conférer l'éternité. [...]
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