À la fin de l'acte premier d'Hamlet de Shakespeare, le spectre du roi défunt demande à son fils, dans le cadre de sa vengeance d'épargner sa mère afin de la laisser en proie à sa conscience torturée. Cette dernière a en effet, épousé le frère de son mari assassiné en moins d'un mois après la trahison. Claudius et Gertrude sont persuadés qu'Hamlet est fou et l'enjeu de la première partie de la pièce consiste, pour eux, à découvrir les raisons de cette supposée folie.
À la scène 2 de l'acte III, Hamlet affirme vouloir se venger de son père en agressant uniquement verbalement sa mère. La scène précédente la scène 4 du même acte à l'étude, est celle ou le roi pris de remords remet ses péchés à Dieu, élément qui ne fait qu'introduire la dimension moralisatrice et la valeur expiatoire de la pièce dont la scène 4 est le point d'orgue.
Nous pouvons alors nous demander en quoi cette scène de torture mentale est une mise en application du plan de vengeance dicté par le spectre du roi défunt à son fils, Hamlet.
Animé par un esprit de vengeance dicté par le fantôme de son père, le comportement d'Hamlet s'inscrit clairement dans une volonté de faire subir la douleur qu'il ressent aux responsables de la mort de son père parmi lesquels figure sa propre mère. Ainsi, Hamlet introduit cette vengeance verbale et mentale au début de la scène par une captation de bienveillance qu'il effectue grâce à une technique rhétorique bien rodée.
L'annonce de la vengeance verbale d'Hamlet se fait dans un premier temps par le langage lui-même. En effet, le début de la scène est marqué par l'installation, l'introduction du combat rhétorique qui va se poursuivre jusqu'à la fin de la scène. On observe au début de la scène un parallélisme dans le destin personnel des personnages en scène opposant d'un côté Polonius qui enquête sur Hamlet pour le roi et Hamlet qui agit sur la reine sur ordre du roi assassiné.
C'est en partant de ce parallélisme dans l'histoire de la pièce que nous pouvons analyser les raisons du parallélisme syntaxique, de la véritable stratégie rhétorique mise en place entre Hamlet et la Reine. Hamlet répète souvent le mot « mère » comme pour souligner le lien de parenté entre elle et lui et ainsi, exclure son oncle de roi de cette relation mère-fils qui, d'autre part est un thème central dans toute la pièce. De plus, lorsque la reine affirme « Hamlet, tu as gravement offensé ton père » en faisant référence à l'épisode de la représentation théâtrale, le père d'Hamlet est, pour Gertrude, Claudius alors que pour Hamlet ceci est loin d'être le cas.
[...] On pourrait dire ici qu'il s'agit d'un assassinat mental très tragique car Hamlet va laisser sa mère dans une situation d'impasse funeste. Dans un second temps, Hamlet tente d'attirer l'attention de sa mère en utilisant le thème de la perception qui reste un thème également très important dans cette scène entre autres car nous remarquerons que c'est l'enjeu de la stratégie d'Hamlet ici : sensibiliser la perception de sa mère. En effet, Hamlet affirme vouloir présenter un miroir à sa mère qui reste le meilleur symbole du plan d'Hamlet : il annonce tout ce qu'il va faire pendant la scène, à savoir la torturer mentalement en lui rappelant l'horreur de l'acte d'inceste qu'elle vient d'accomplir. [...]
[...] Si par la forme que prennent les répliques d'Hamlet on y décèle une forte virulence, le fond n'est pas en reste. On constate effectivement une mise en place de personnifications des actions, des vices et des vertus pour indiquer que les actions de la reine flétrissent sa grâce. Hamlet se place sur le terrain des valeurs. Sans condamner directement les actes, il affirme que ces derniers tuent littéralement les valeurs de la reine : Une action qui du corps du contrat arrache l'esprit, et fait de la religion la plus douce rapsodie de mots. [...]
[...] Ce meurtre ne constitue finalement qu'un moyen pour Hamlet de se faire entendre de la reine et de posséder un ascendant psychologique sur cette dernière. Il lui montre qu'il est capable de tuer avec facilité en un instant. Il s'agit donc comme une captation de bienveillance d'une femme à la perception plus qu'altérée et d'un avertissement. Cet épisode constitue également un tournant dans la scène qui devient beaucoup plus sombre, grave et en proie aux passions diverses. U ne fois la gravité et la solennité d'un homme prêt à tout pour venger son père atteinte, Hamlet entre dans le vif du sujet en mettant en combattant sa mère par les mots : il s'agit vraiment de blesser la reine verbalement, de rendre les mots aussi douloureux que des armes transperçant une âme déjà torturée. [...]
[...] La stratégie d'Hamlet pour torturer l'intériorité de sa mère passe par la vue en lui montrant des peintures de son père et de son oncle ensemble. Il fait une description posthume de son père afin de toucher et de sensibiliser la reine dont l'acte qu'elle a commis traduit une insensibilité que tente de démanteler Hamlet. Cette stratégie se manifeste également par l'utilisation de l'imparfait : quelle grâce respirait sur ce visage la respiration étant également un symbole de vie, ce que la reine a retiré à son ancien mari. [...]
[...] Pour se défendre des accusations de folie de sa mère il met en place une stratégie en trois étapes. La première est de comparer son pouls à celui de la reine, la comparaison restant pour Hamlet une technique rhétorique de premier choix pour montrer qu'il est comme les autres et pour éviter une stigmatisation. Puis il affirme que son pouls bat avec calme avant d'affirmer que toute cette stratégie mise en place jusqu'alors n'est point une folie Hamlet tente d'empêcher le déplacement du débat de la faute de sa mère vers sa folie. [...]
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