Le départ et la promenade du début du songe marquent la découverte d'un monde merveilleux, lieu de l'initiation amoureuse et qui incarne les conditions nécessaires à l'amour, et correspondent donc à l'entrée en allégorie. Le thème de la reverdie est très lié à l'amour courtois. Notre texte a une fonction d'ouverture : il permet d'initier l'action amoureuse du roman. Les fonctions attendues de l'incipit sont tout à fait assurées.
Dans quelle mesure ce texte pose-t-il les conditions indispensables d'une future aventure romanesque pour fonder un véritable art d'aimer ?
[...] Le prologue émane d'une instance discursive qui s'actualise au v.21 : el vintieme an de mon aage ; le je du rêveur se définit par son âge, qui est moins anecdotique que typique : c'est l'âge propre à l'amour. Notre passage précise la saison : le printemps, et marque un deuxième stade de particularisation, lui aussi chronologique et typique. On le voit, l'entrée en allégorie se fait par un glissement du général au particulier, le motif lyrique faisant la césure entre le monde réel et le monde rêvé : nous passons ainsi de la réalité au rêve, et de la littéralité à l'allégorie. [...]
[...] Guillaume de Lorris pratique l'amplification pour deux de ces motifs : la parure florale et la joie des oiseaux. La suite du poème, dans l'évocation de la profusion animale et végétale du verger, reprendra ces développements en insistant surtout sur le chant des oiseaux. La beauté est à la fois visuelle et sonore, ainsi que le montre la description de la rivière, de la prairie et des divers oiseaux : rossignol, perroquet, alouette. La force de la joie s'étend au narrateur : Lors estuest joenes genz antendre / A estre gay et amorens, / Pour le tens bel et douceureus (v. [...]
[...] Commentaire du début du songe et de l'entrée en allégorie (vv. 45-128), édition du Livre de Poche Le départ et la promenade du début du songe marquent la découverte d'un monde merveilleux, lieu de l'initiation amoureuse et qui incarne les conditions nécessaires à l'amour, et correspondent donc à l'entrée en allégorie. Le thème de la reverdie est très lié à l'amour courtois. Notre texte a une fonction d'ouverture : il permet d'initier l'action amoureuse du roman. Sont posés à la fois le cadre spatio-temporel (le lieu est une préfiguration du verger ; le temps est celui du printemps, saison de l'amour) et le personnage principal (le narrateur, jeune aristocrate). [...]
[...] Il n'a certes pas de cheval, mais possède la jeunesse et la richesse. C'est un personnage aristocratique tout à fait adéquat quant à l'aventure qui l'attend. Le passage insiste également sur l'attitude contemplative du rêveur : ainsi aux vers 116-117, à propos de la rivière, Si m'abelissoit et seoit / A esgarder le lieu plesant Cette posture contemplative peut sembler a priori être un obstacle à l'aventure, mais on peut plutôt l'appréhender comme une spécificité du Roman de la Rose, œuvre où il y a plus de contemplation que d'action. [...]
[...] L'image de la rivière est également liée à la fontaine de Narcisse. Ici, il s'agit d'une simple mise en mouvement, alors que la fontaine de Narcisse est le lieu d'une révélation : il y a donc opposition entre l'initiation et la révélation. Le rêveur n'est pas encore initié, il ne voit donc rien dans l'eau de la rivière. Il faut, pour parler de la valeur prophétique du songe, prendre en compte la différence fondamentale entre le narrateur-protagoniste et le narrateur-écrivain : il y a révélation d'un art d'aimer, mais aussi, selon le prologue, révélation d'une vérité qui sera trouvée après le rêve ; dès lors, cette rivière dans laquelle le narrateur-rêveur ne voit rien, dans laquelle le narrateur- écrivain préfigure la fontaine de Narcisse, paraît être aussi, compte tenu du lien entre l'eau et le rêve, le symbole de la frontière du songe. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture