« La Guerre de Troie n'aura pas lieu » fut publiée en 1935, à un moment très particulier de notre histoire. Grâce à ce titre surprenant, Giraudoux lance en quelque sorte un défi particulier au destin. En effet, si le destin est ce qui s'impose, l'inéluctable, affirmer que la guerre de Troie n'aura pas lieu, c'est s'opposer à une réalité, à ce qui a déjà été écrit, l'Iliade d'Homère. Ainsi le dramaturge affirme symboliquement son refus de la guerre, sa fatalité, avant même le lever de rideau de la pièce. Transposant et modernisant la célèbre épopée grecque qui relate la destruction de Troie par la coalition des Grecs, l'auteur nous présente en deux longs actes la tragédie d'Hector , le général troyen, époux d'Andromaque. Au retour d'une campagne militaire en Asie, il retrouve son épouse en discussion avec sa sœur Cassandre : une ambassade grecque conduite par Ulysse, vient réclamer Hélène, la femme d'un souverain grec, enlevée par le Troyen Pâris.
[...] Tous les hommes soulignent que le germe fatal de la guerre tient à notre espèce même. La guerre a pour elle l'antiquité, disait déjà La Bruyère, et elle a été dans tous les siècles. Ancien combattant lui-même de la guerre 14/18, Giraudoux nous donne ici un aperçu éclairant dur l'état d'esprit du soldat. Le verbe séduire révèle que la délégation que les dieux vous donnent est une illusion. L'auteur évoque cette impression de flottement hors du réel, le flou des sensations, et l'apesanteur qui fait disparaître le poids du corps et des armes. [...]
[...] Et en effet, comment mieux souligner que cela représente à la fois un but et une impossibilité ? À un moment donné, au centre du passage (ligne l'héroïne relance habilement le récit, en empêchant Hector de se laisser envahir par ses souvenirs et de se complaire dans les pensées qui l'occupaient juste avant la bataille (54 63) : Puis l'adversaire arrive? . Sa question prolonge la narration en quelque sorte, et incite son époux à poursuivre, grâce à la conjonction de coordination et à la forme affirmative. [...]
[...] La montée d'Hitler et du nazisme l'avait déjà amené à réfléchir sur les causes de la guerre, afin de sauver la paix, qui apparaissait alors comme une cause perdue ou douteuse. Et de fait, il s'attaque ici à un certain nombre de préjugés ou de prétextes, qui justifient la guerre. ( ( ( Le dramaturge souligne en effet, dès le début du passage, la gêne et même l'hypocrisie qui recouvrent la conduite contradictoire des hommes. Pour exprimer l'horreur de la guerre, Hector se réfugie derrière une formule élégante, destinée à cacher son embarras : Si l'on aime ce qui vous délivre de l'espoir, du bonheur, des êtres les plus chers en somme, il agit malgré lui, et se présente comme une victime de la fatalité. [...]
[...] Pourtant il admet que parfois allégé, étonné, mué il a senti à la guerre, qu'on est invulnérable Et en effet, la guerre est ambiguë : la vision qu'Hector donne du combat est celle d'un habitué des champs de bataille, d'un ancien combattant, mais c'est une vision très particulière et paradoxale. On respecte toute forme de vie, et l'on est en même temps incité à tuer, en raison des cris, des slogans et des visages de haine. Mêlant le récit et l'expression des sentiments, le héros expose une série de faits contradictoires, qui aboutissent à la conclusion fatale : Alors, on le tue Dans toute cette évocation, le général troyen se dissimule encore derrière un on répété (55/57/58/59), qui l'excuse par sa valeur collective. [...]
[...] Rappelons d'ailleurs ce que le général troyen ressentait à l'instant du combat, se sentant très souvent moins qu'un homme et proche de la bête. Derrière ces propos d'Hector, nous pouvons discerner l'attitude critique du dramaturge, qui insiste sur la passivité du combattant envahi submergé incapable de concilier ses sentiments et ses actes. Giraudoux, contrairement à d'autres scènes, souligne à peine les horreurs de la guerre ce qui vous délivre de l'espoir, du bonheur, des êtres les plus chers il rejette la grandiloquence et parle d'un bonheur symbolisé par le raki, les olives, la famille. [...]
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