Commentaire composé de Tristan et Yseut, épisode du Gué du Mal Pas chez Béroul.
[...] Béroul met en lumière sa beauté et ses qualités exceptionnelles qui acquièrent une dimension féerique et qui révèlent un nouveau visage de la féminité. Enfin, nous assistons à l'étape primordiale vers le pardon officiel fondé, directement, sur des mensonges officieux. La lèpre est le signe symptomatique de l'amour passionnel des deux amants. Leur complicité est célébrée par la provocation faite implicitement au roi. C'est donc vers un ordre social précaire que se reconstitue l'équilibre de la Cour du roi Marc. [...]
[...] Le gué du Mal Pas, dont il est question au sein de l'extrait, est situé près de la Blanche Lande. Le nom qui lui est attribué est symptomatique car, en le franchissant, on est toujours susceptible d'un « mauvais pas » pouvant être fatal. Si l'on consulte une carte, on remarque que ce marécage se trouve sur la côte sud de Cornouailles. C'est donc un endroit où la terre se distingue difficilement de la mer, un endroit confus par la structure même de son sol. [...]
[...] C'est un retour au sommet de la société. Yseut avait évité le feu du bûcher pour être livré à celui des lépreux. Cette scène fait donc explicitement écho à la punition d'Yseut. On peut y déceler un parallèle : de reine, Yseut est devenue lépreuse. Désormais, sa punition s'annule et la transformation s'établie à contre sens : de marginale, Yseut retrouve sa place prestigieuse. De sa situation de victime lors de la première scène des lépreux, ici, c'est elle qui, symboliquement, se sert d'eux pour reconquérir sa place royale. [...]
[...] L'auteur expose alors une organisation scénique au caractère théâtral. Yseut se met en scène face au peuple de Cornouailles : « Bien savoit que cil l'esgardoient qui outre le Mal Pas estoient ». Ce gué apparaît comme l'espace théâtral où se déroulera la représentation. A travers ce face à face, un jeu de regards se met en place : « La roïne out molt grant esgart de ceus qui sont de l'autre part » ; « Or esgardez [ ] Vez la roïne » En insistant sur ce point, Béroul cherche à agir sur le lecteur afin d'en faire un acteur, témoin de la scène. [...]
[...] Les amants, délivrés des effets du philtre, sont désormais conscients et responsables. Il s'agit donc d'un acte délibéré, d'une provocation offrant une vision du roi des moins raffinées et courtoises. Il apparaît comme un personnage faible et dupé. Le thème du cocuage favorise, néanmoins, le comique de situation. Toutefois, cette scène où le quiproquo règne en maître révèle un processus de réhabilitation au caractère fallacieux. Le pouvoir royal est primordial pour le respect de l'ordre et des lois. Le roi se doit de faire preuve d'exemplarité dans tous les aspects de sa vie et notamment son mariage. [...]
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