Chateaubriand, "Mémoires d'outre-tombe", La grive de Montboissier : lecture analytique
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Un décor d'une nature paisible est planté dès les premières lignes. La plupart des éléments qui le constituent sont des ressources naturelles comme « le soir », « le ciel », « le soleil », « la branche d'un bouleau », « une grive ». La nature est un lieu propice au surgissement du souvenir (...)
Sommaire
I) La nature, cadre romantique d'une méditation
A. La nature, un lieu privilégié B. L'ambiguïté des saisons C. La solitude D. Le chant de la grive
II) Une écriture du souvenir contre la fuite du temps
A. Le chant de la grive : une réminiscence et un élément déclencheur B. Des comparaisons passé-présent C. La mélancolie D. L'écriture comme dernier recours
Conclusion
Texte étudié
Hier au soir je me promenais seul ; le ciel ressemblait à un ciel d'automne ; un vent froid soufflait par intervalles. A la percée d'un fourré, je m'arrêtai pour regarder le soleil : il s'enfonçait dans des nuages au-dessus de la tour d'Alluye, d'où Gabrielle, habitante de cette tour, avait vu comme moi le soleil se coucher il y a deux cents ans. Que sont devenus Henri et Gabrielle ? Ce que je serai devenu quand ces Mémoires seront publiés.
Je fus tiré de mes réflexions par le gazouillement d'une grive perchée sur la plus haute branche d'un bouleau. A l'instant, ce son magique fit reparaître à mes yeux le domaine paternel. J'oubliai les catastrophes dont je venais d'être le témoin, et, transporté subitement dans le passé, je revis ces campagnes où j'entendis si souvent siffler la grive. Quand je l'écoutais alors, j'étais triste de même qu'aujourd'hui. Mais cette première tristesse était celle qui naît d'un désir vague de bonheur, lorsqu'on est sans expérience ; la tristesse que j'éprouve actuellement vient de la connaissance des choses appréciées et jugées. Le chant de l'oiseau dans les bois de Combourg m'entretenait d'une félicité que je croyais atteindre ; le même chant dans le parc de Montboissier me rappelait des jours perdus à la poursuite de cette félicité insaisissable. Je n'ai plus rien à apprendre, j'ai marché plus vite qu'un autre, et j'ai fait le tour de la vie. Les heures fuient et m'entraînent ; je n'ai pas même la certitude de pouvoir achever ces Mémoires. Dans combien de lieux ai-je déjà commencé à les écrire, et dans quel lieu les finirai-je ? Combien de temps me promènerai-je au bord des bois ? Mettons à profit le peu d'instants qui me restent ; hâtons-nous de peindre ma jeunesse, tandis que j'y touche encore : le navigateur, abandonnant pour jamais un rivage enchanté, écrit son journal à la vue de la terre qui s'éloigne et qui va bientôt disparaître.
I) La nature, cadre romantique d'une méditation
A. La nature, un lieu privilégié B. L'ambiguïté des saisons C. La solitude D. Le chant de la grive
II) Une écriture du souvenir contre la fuite du temps
A. Le chant de la grive : une réminiscence et un élément déclencheur B. Des comparaisons passé-présent C. La mélancolie D. L'écriture comme dernier recours
Conclusion
Texte étudié
Hier au soir je me promenais seul ; le ciel ressemblait à un ciel d'automne ; un vent froid soufflait par intervalles. A la percée d'un fourré, je m'arrêtai pour regarder le soleil : il s'enfonçait dans des nuages au-dessus de la tour d'Alluye, d'où Gabrielle, habitante de cette tour, avait vu comme moi le soleil se coucher il y a deux cents ans. Que sont devenus Henri et Gabrielle ? Ce que je serai devenu quand ces Mémoires seront publiés.
Je fus tiré de mes réflexions par le gazouillement d'une grive perchée sur la plus haute branche d'un bouleau. A l'instant, ce son magique fit reparaître à mes yeux le domaine paternel. J'oubliai les catastrophes dont je venais d'être le témoin, et, transporté subitement dans le passé, je revis ces campagnes où j'entendis si souvent siffler la grive. Quand je l'écoutais alors, j'étais triste de même qu'aujourd'hui. Mais cette première tristesse était celle qui naît d'un désir vague de bonheur, lorsqu'on est sans expérience ; la tristesse que j'éprouve actuellement vient de la connaissance des choses appréciées et jugées. Le chant de l'oiseau dans les bois de Combourg m'entretenait d'une félicité que je croyais atteindre ; le même chant dans le parc de Montboissier me rappelait des jours perdus à la poursuite de cette félicité insaisissable. Je n'ai plus rien à apprendre, j'ai marché plus vite qu'un autre, et j'ai fait le tour de la vie. Les heures fuient et m'entraînent ; je n'ai pas même la certitude de pouvoir achever ces Mémoires. Dans combien de lieux ai-je déjà commencé à les écrire, et dans quel lieu les finirai-je ? Combien de temps me promènerai-je au bord des bois ? Mettons à profit le peu d'instants qui me restent ; hâtons-nous de peindre ma jeunesse, tandis que j'y touche encore : le navigateur, abandonnant pour jamais un rivage enchanté, écrit son journal à la vue de la terre qui s'éloigne et qui va bientôt disparaître.
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Extraits
[...] A la percée d'un fourré, je m'arrêtai pour regarder le soleil : il s'enfonçait dans des nuages au-dessus de la tour d'Alluye, d'où Gabrielle, habitante de cette tour, avait vu comme moi le soleil se coucher il y a deux cents ans. Que sont devenus Henri et Gabrielle ? Ce que je serai devenu quand ces Mémoires seront publiés. Je fus tiré de mes réflexions par le gazouillement d'une grive perchée sur la plus haute branche d'un bouleau. A l'instant, ce son magique fit reparaître à mes yeux le domaine paternel. [...]
[...] Ce sentiment est dû au fait que Chateaubriand a trop couru après le bonheur, et que paradoxalement, celui-ci est sans cesse repoussé. Sa quête de rêve en arrive finalement à un certain désabusement, une amertume : Je n'ai plus rien à apprendre, j'ai marché plus vite qu'un autre, et j'ai fait le tour de la vie L'écriture comme dernier recours Chateaubriand engage une lutte entre l'écriture et le temps qui passe, une lutte de permanence contre l'instant. Sa crainte de l'œuvre inachevée : Je n'ai pas même la certitude de pouvoir achever ces Mémoires va le déterminer à continuer son projet d'écriture abandonné depuis 3 ans. [...]
[...] Ce texte annonce Marcel Proust sur le thème de la réminiscence et bien sûr, sur cette recherche de temps perdu. [...]
[...] Mais pour Chateaubriand, c'est une lutte de permanence contre l'instant. L'utopie est d'ailleurs très romantique. CONCLUSION : A travers cet extrait, nous comprenons bien le projet de Chateaubriand de tout raconter, d'exhaler ses sentiments personnels avec un lyrisme typiquement romantique, et de lutter contre les limites temporelles, d'où la notion d'éternité. C'est d'abord un décor naturel qui est le cadre d'une réflexion sur le temps avec une impossible adéquation entre le passé et le présent. Chateaubriand est un hypersensible, puisque le son magique de la grive provoque en lui un afflux de souvenirs qui vont le déterminer à continuer d'écrire afin de ne pas être oublié. [...]
[...] Quand je l'écoutais alors, j'étais triste de même qu'aujourd'hui. Mais cette première tristesse était celle qui naît d'un désir vague de bonheur, lorsqu'on est sans expérience ; la tristesse que j'éprouve actuellement vient de la connaissance des choses appréciées et jugées. Le chant de l'oiseau dans les bois de Combourg m'entretenait d'une félicité que je croyais atteindre ; le même chant dans le parc de Montboissier me rappelait des jours perdus à la poursuite de cette félicité insaisissable. Je n'ai plus rien à apprendre, j'ai marché plus vite qu'un autre, et j'ai fait le tour de la vie. [...]