« Mon intention pourtant a toujours été de tout dire. Mais il est un degré dans la confidence que l'on ne peut dépasser sans artifice, sans se forcer ; et je cherche surtout le naturel. Sans doute un besoin de mon esprit m'amène, pour tracer plus purement chaque trait, à simplifier tout à l'excès ; on ne dessine pas sans choisir ; mais le plus gênant c'est de devoir présenter comme successifs des états de simultanéité confuse. Je suis un être de dialogue ; tout en moi combat et se contredit. Les Mémoires ne sont jamais qu'à demi sincères, si grand que soit le souci de vérité : tout est toujours plus compliqué qu'on ne le dit. Peut-être approche-t-on de plus près la vérité dans le roman. » A. Gide, Si le grain ne meurt.
Gide a justifié sa démarche autobiographique en affirmant que: "tout ce qui est vrai peut instruire" et ce à l'instar du souhait d'exemplarité exprimé par Montaigne dans ses Essais. Cependant, il établit un constat d'échec dans Si le grain ne meurt, oeuvre communément qualifiée d'"autobiographique". Il met en lumière les limites de l'écriture de soi en soulignant que son "intention pourtant a toujours été de tout dire" or, le désir de totalité signifié par le pronom "tout" s'oppose à "un degré dans la confidence" entraîné par la nécessité d'opérer des sélections. Puis, après l'aveu de son incapacité à "tout dire", il précise que le "naturel" qu'il visait a été confronté au recours à l'"artifice" pour être atteint. Cet "artifice" renvoie sans doute aux procédés littéraires et aux choix langagiers.
[...] Est-ce véritablement possible? Il faut remplacer les données manquantes et se fier à des souvenirs, parfois troubles, que l'on ne peut pas toujours vérifier. On peut s'apercevoir de cette faiblesse de la mémoire lorsqu'on compare les récits de deux individus quant à un même fait passé: ils ne sont jamais identiques. De plus, l'autobiographe ne bénéficie sans doute pas du recul nécessaire pour analyser ses propres actes. Il est donc incapable de dire la "vérité" puisqu'il ne la connaît pas et qu'il la cherche en écrivant lui- même l'histoire de sa vie. [...]
[...] Je suis un être de dialogue ; tout en moi combat et se contredit. Les Mémoires ne sont jamais qu'à demi sincères, si grand que soit le souci de vérité : tout est toujours plus compliqué qu'on ne le dit. Peut-être approche-t-on de plus près la vérité dans le roman. A. Gide, Si le grain ne meurt. Gide a justifié sa démarche autobiographique en affirmant que: "tout ce qui est vrai peut instruire" et ce, à l'instar du souhait d'exemplarité exprimé par Montaigne dans ses Essais. [...]
[...] À trop vouloir être franc, il peut se perdre en explications. L'écriture romanesque n'est pas confinée dans le vécu, mais elle peut recourir à l'imaginaire donc chercher une "vérité" au-delà de l'expérience. La création totale opérée par le romancier lui permet d'explorer des situations qu'il n'aurait pas connues dans le réel. Il n'est pas forcé de "simplifier tout à l'excès" mais il peut fabriquer des personnages et des situations complexes. Madame de La Fayette aurait-elle pu représenter les hésitations de la conscience aussi finement en se peignant elle-même qu'elle ne l'a fait avec la princesse de Clèves, dans le roman éponyme? [...]
[...] À l'inverse, il peut faire partie intégrante du texte romanesque, il peut mettre en marche cette "machine paresseuse" dont parle Eco pour compléter par son imaginaire ce qui a été créé par le romancier. Le lecteur d'autobiographies, puisqu'il sait qu'elles racontent une histoire appartenant à une autre personne, ne peut pas, ou alors beaucoup plus difficilement que dans le roman, s'identifier aux personnages. En l'occurrence, c'est cette identification qui permet au lecteur d'accéder à des situations inédites qui peuvent l'inciter à réfléchir et à découvrir sa propre "vérité". [...]
[...] En quoi le roman constituerait- il une meilleure approche de cette vérité que l'autobiographie? Il convient, dans un premier temps, d'étudier les limites de l'écriture de soi puis, dans un deuxième temps, de s'attacher aux avantages du roman et enfin, dans un troisième temps, de montrer que seul le travail artistique permet d'accéder à la vérité, quelle que soit la forme employée. Il est impossible de se confier intégralement dans une autobiographie. Plusieurs aspects rendent cette confidence toujours bornée. Des contraintes purement formelles et matérielles constituent un premier obstacle. [...]
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