Agathe et son mari sont des bourgeois de fraîche date. Jean Giraudoux concentre sur eux les ridicules que, par une longue tradition satirique, la comédie réserve aux parvenus. Conjugalement, ils forment un couple médiocre ; professionnellement, le président est un magistrat dérisoire (...)
[...] C'est un pédant, parlant doctement et avec de grands mots. Habitué à s'exprimer en public, il possède un art certain de la formule, mais ces formules sont sentencieuses et creuses. Tout a plutôt tendance à s'arranger dans la vie. On ruine l'Etat, l'individu et les meilleures familles 35/36). Ce représentant de la justice officielle est en outre une caricature de juge. Son refus de sacrifier le bonheur et le confort d'Argos le conduit à défendre une conception paradoxale de la justice. [...]
[...] Par ces phrases à la fois parallèles et contradictoires, le mari se révèle autoritaire et stupide. Il dénie à sa femme tout droit à la parole. Agathe, quant à elle, ne brille guère par son intelligence, ainsi que l'attestent ses interruptions continuelles. Toutes, comme un phénomène d'écho, rebondissent sur un mot prononcé par son mari agréable adultère Agathe ne réfléchit pas, elle répète. Sa sottise éclate enfin dans sa réaction naïve de jeune étourdie : Absolument Pourquoi chéri ? Tu me l'as dit, j'ai oublié ! 37/38). Elle approuve sans savoir pourquoi ? [...]
[...] Elle définit Electre comme un être d'exigences, capable d'aller jusqu'au bout de ses idéaux. C'est en ce sens qu'elle fait des histoires et qu'elle pose problème. Avec elle, aucun accommodement n'est possible ni envisageable. Le président souligne d'ailleurs sa singularité. Electre appartient au groupe des dix ou quinze femmes 29) qui ne réagissent pas comme le reste de l' humanité Elle refuse l' oubli et rejette tout compromis Comme à ce stade de l'intrigue Electre ne sait encore rien de l'assassinat de son père, son refus de toute compromission n'est pas dicté par une réaction de vengeance. [...]
[...] - L'esquisse du rôle d'Electre : Par le fait même s'ébauche le rôle futur d'Electre. Le président et l'étranger s'accordent à reconnaître qu'elle est une conscience C'est le seul point d'accord. Ils divergent en effet sur le sens à donner à ce mot. Aussi, leur échange prend-il la forme d'un bref débat. La conscience préserve-t-elle du bonheur ou sauve-t-elle de l'égoïsme ? La justice la générosité et le devoir sont-ils ou non compatibles avec la paix et la félicité ? [...]
[...] Si le débat demeure ici théorique, il connaîtra une application concrète ultérieure. Les positions opposées du président et de l'étranger préfigurent en effet l'ultime confrontation d'Electre et d'Egisthe à la scène 8 de l'acte II. Conclusion : Ce passage est ainsi un mélange de comique et de gravité. Agathe et le président forment un couple inattendu dans une tragédie. Ils symbolisent l'humanité médiocre à laquelle le héros tragique est appelé à se heurter. L'extrait illustre en outre une des caractéristiques de l'esthétique de Jean Giraudoux qui n'hésite pas à détendre l'atmosphère par la confusion des genres et des tons, tout en laissant pressentir la montée inévitable du drame. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture