Germinal, Livre VI, Chapitre 4, Zola, roman de la mine et de la grève, Étienne Lantier, Jeanlin Maheu
« Germinal » le treizième volume des « Rougon-Macquart, l'histoire naturelle et sociale d'une famille sous le Second Empire » paraît en 1885. C'est le roman de la mine et de la grève. L'œuvre la plus célèbre de l'auteur est l'histoire d'une grève, le soulèvement des salariés, la lutte du capital et du travail. Plus de cent ans après, l'œuvre bénéficie toujours d'un grand succès, comme en témoigne l'adaptation cinématographique de Claude Berri, avec Renaud dans le rôle d'Étienne, et Gérard Depardieu dans celui de Toussaint Maheu.
La situation du passage est d'une grande importance pour comprendre la portée de l'épisode proposé. Celui-ci met face à face deux des personnages principaux du roman : Étienne Lantier, fils de Gervaise et d'Auguste Lantier déjà connus grâce à « L'Assommoir », chômeur arrivé en mars 1866 dans le Nord, à la fosse du Voreux, comme ouvrier poussant les berlines de charbon, et Jeanlin Maheu, troisième enfant des Maheu, une famille de mineurs qui l'héberge. La grève qui dure depuis de longs mois a entraîné l'arrivée de la troupe. Une nuit, Jeanlin assassine un jeune soldat qui monte la garde sur un terril, amas de déblais provenant des travaux d'extraction, sans savoir qu'Étienne l'observe. Dans ce roman, en particulier, le romancier se livre à une analyse sociale et politique nécessitée par une situation de bout en bout conflictuelle : la longue grève des mineurs, qui se soldera par un échec, est marquée par des épisodes d'une extrême violence, notamment la scène du meurtre d'un jeune soldat par un enfant.
[...] l'appel s'étranglait . le terril était vide le passé simple est la seule indication de mouvement et il monta au pas de course Et plus loin le plus-que-parfait pas une goutte de sang n'avait coulé précise que tout est définitivement pétrifié, et l'univers s'est figé, comme après un cataclysme, sur cette image du couteau dans la gorge, jusqu'au manche Les sentiments d'Étienne qu'il ne peut exprimer, se répercutent sur le monde extérieur : le terril trahit le vide de la conscience du protagoniste, la fuite effarée des nuages exprime sa peur que le crime ne soit découvert. [...]
[...] Nous analyserons ensuite le tableau dramatique, d'inspiration naturaliste, le décor vertical avec la vision du cadavre et le meurtre pulsionnel. Enfin, nous essaierons de montrer en quoi le dernier paragraphe est marqué par le symbolisme, la transposition du réel, et même une certaine coloration poétique. Remarquons que toute la scène est comme immobilisée, pétrifiée, suspendue dans le temps, malgré la violence qui la caractérise. À l'immobilité initiale d'Étienne correspond à la fin du texte l'attente figée des deux femmes transformées en statues. [...]
[...] Quelle partie du corps de Jeanlin peut flamber ? Voilà une image irréelle et incohérente, qui renvoie peut-être à l'absurdité du meurtre. La dégénérescence de Jeanlin est le produit de la mine, du milieu, de l'hérédité. L'enfant régresse à l'état d'animal (bête inconsciente.) Il reste bloqué dans son mutisme, car la tête lui faisait mal Notons que Zola insiste ici sur la localisation du mal dans le corps (là derrière les oreilles), car à ses yeux, la psychologie est très étroitement dépendante de la physiologie. [...]
[...] Où se trouvait-il, ce Plogoff, qui lui apparaissait . Là-bas, là-bas. Qui parle ici ? De même dans les autres phrases suivantes, la réponse peut être aussi bien reportée, dans la réalité, au narrateur qu'à Jules ou Étienne. Trois voix parlent en même temps comme un chœur qui commente une tragédie, et ils forment une voix impersonnelle, collective, la voix des anonymes. La dernière phrase relève également d'une énonciation collective : Quelle abominable chose, de se tuer entre pauvres diables, pour les riches ! [...]
[...] La leçon est politique, et préfigure la fin du livre, lorsque nous assistons, après l'échec de la grève, au départ d'Étienne du Voreux. En ce début de printemps, époque de la germination, nous éprouvons un sentiment ambigu de victoire et d'échec. D'un côté, le travail a repris dans de dures conditions, et les pauvres au fond de la mine sont victimes de la violence des patrons et de l'armée. De là cependant va naître la fraternité, découverte dans cette humiliation. [...]
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