En 1840 est publiée Le pied de momie, nouvelle fantastique de Théophile Gautier. Dans cette nouvelle, le narrateur, sorte de représentation de l'auteur lui-même, cherche un objet insolite pour lui servir de serre-papier, et entre chez un marchand de bric à brac. Il trouve alors un pied embaumé, appartenant à une momie égyptienne, celle de la Princesse Hermonthis. Alors qu'il est sur le point de s'endormir, le narrateur assiste avec surprise à la mise en mouvements du petit pied qu'il a acheté, ainsi qu'à l'apparition de la Princesse. Il comprend que celle-ci est venu reprendre possession de son pied, et lui offre de lui rendre. Elle accepte aussitôt et lui laisse en échange une statuette de pâte verte. Il la suit ensuite dans ce qui semble être un tombeau, où se trouvent assemblés les Pharaons égyptiens. La Princesse le présente à son père, qui, voulant lui montrer sa force, lui serre vigoureusement la main. Ce contact réveille le narrateur, qui voit son ami Alfred le secouer pour le réveiller. Alors qu'il est persuadé d'être réveillé, il aperçoit avec surprise la petite statuette, là où il avait laissé le pied.
Dans cette nouvelle, à la fois classique de l'écriture de Gautier, et tout à fait originale, est mis en scène un narrateur d'un genre à part. Le surgissement d'un événement surnaturel dans ce contexte réaliste marque la présence du fantastique. Un fantastique introduit par divers éléments, tout au long de la nouvelle, qui est progressivement déconstruit par le narrateur lui-même, au sein d'une esthétique mêlant mystère et humour.
Le Pied de momie est l'une des nouvelles les plus courtes du recueil auquel elle appartient. Gautier rédige avec succès un certain nombre de nouvelles dont la taille n'a rien de commun avec Le Pied de momie. Des nouvelles que l'on peut presque rapprocher du petit roman, comme Jettatura, ou de la nouvelle-feuilleton, comme on le voit dans Avatar. Avec l'histoire de la Princesse Hermonthis, l'auteur nous montre son habileté à nous conter de courtes histoires, comme il le fait également avec Le Chevalier double ou bien La Cafetière pour n'en citer que deux. Plus courte, l'histoire se fait moins complexe, mais n'en perd pas pour autant de son intérêt, et parvient toujours à capter l'attention du lecteur. Malgré la taille de la nouvelle, une grande place est accordée à la mise en place de l'intrigue, presque la moitié du texte (...)
[...] Ainsi, la Princesse Hermonthis, seule à ne pas être mentionnée historiquement ou dans la Genèse, comme Tubal Caïn, parmi ceux qui figurent dans cette longue liste, tire néanmoins son nom d'une ville de l'ancienne Égypte, aujourd'hui appelée Erment. Comme dans plusieurs de ses histoires, Gautier se met en scène, jeune homme, à la découverte d'une foule d'objets insolites. C'est le cas aussi bien dans La cafetière, que dans Omphale. Le narrateur/auteur y découvre l'environnement d'un proche, où les objets du quotidien se trouvent subitement pourvus de dons mystérieux. Dans Le Pied de momie, c'est dans un magasin de curiosités que l'on retrouve le narrateur. C'est un personnage un peu particulier qui est ici présenté. [...]
[...] Elle parvient à la fois à surprendre un peu le lecteur embarqué par les certitudes du narrateur, mais aussi le narrateur lui-même, qui jusqu'alors avait nié la possibilité d'un réel élément perturbateur issu du fantastique. Le rôle indiqué de la nouvelle fantastique est de semer le doute dans l'esprit du lecteur. Alors que le doute, jusqu'à la dernière ligne, n'est pas permis, son apparition en est rendue plus retentissante encore. Le but est donc bel et bien atteint, et le lecteur, en proie à un certain scepticisme malgré tout. [...]
[...] C'est ce qui s'applique avec Le Pied de momie. Des premiers indices pouvant permettre de déceler le fantastique sont visibles au sein de la ville, et plus particulièrement de la boutique, en la personne du marchand de curiosités. Puis, la réelle apparition du fantastique se fait à l'intérieur même du lieu le plus familier au narrateur : sa propre chambre. Malgré cela, la civilisation égyptienne, aujourd'hui disparue, reste le support principal du fantastique. Gautier utilise souvent dans la construction de ses nouvelles un rythme ternaire, visant à faire apparaître le surnaturel. [...]
[...] Les mystérieuses civilisations méconnues servent de façon récurrente chez Gautier d'amorce au fantastique. C'est souvent par leur biais que l'improbable se produit. Gautier choisit parfois de faire intervenir le fantastique au sein d'un environnement totalement empreint de l'atmosphère particulière où évoluait un peuple disparu. C'est ce que l'on peut lire dans Arria Marcella. Octavien se retrouve face au surnaturel alors qu'il erre dans les restes de la civilisation pompéienne. Mais parfois, il choisit de faire apparaître des éléments du fantastique à l'intérieur du cadre le plus réaliste qui soit. [...]
[...] Ce qui semble évident au lecteur dans un premier temps, c'est de pencher vers un surnaturel expliqué. C'est le motif du rêve qui permet de donner des explications rationnelles, et plus encore, à travers le rêve, l'humour apporté à l'histoire par le narrateur. Cet humour permet de rassurer le lecteur, en plus du narrateur lui-même, très certainement. A chaque fois que le mystérieux pourrait faire accepter le surnaturel, le narrateur vient mettre fin à cette courte hésitation, à l'aide d'un trait d'humour. [...]
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