Gaspard de la nuit, Un rêve, Aloysius Bertrand, versification, poème en prose, Baudelaire, ressenti, récit, anaphore, allitération, simultanéisme, réveil, lecture musicale, procédé phonique, onirisme, décor médiéval, décor mystique, roman gothique, religiosité, imaginaire fantastique, chevaliers de la Table ronde, omniscience, ballottement, poète rêveur, irrationalité, romantisme, esthétique du contraste, intelligibilité
Aloysius Bertrand (1807-1841) est, à bien des égards, un poète majeur de la littérature française et plus particulièrement de l'avant-garde romantique. Pourtant, ce poète d'une seule oeuvre posthume, Gaspard de la Nuit (1842), fut largement sous-estimé par ses contemporains, et il fallut attendre Baudelaire et ses Fleurs du Mal (1857) pour que soit salué dans une dédicace à Arsène Houssaye le « procédé » poétique que celui qui a « tous les droits à être appelé fameux » a mis au point : le poème en prose. Puisant à la fois dans tout une imagerie médiévale et dans une sensibilité romantique naissante, c'est une poésie éclectique et singulière, une peinture pittoresque de l'étrangeté, du mystère, du rêve et du fantastique, qui est donnée à lire dans Gaspard de la Nuit sous une forme tout aussi nouvelle que son contenu. Dans le poème « Un rêve » nous est présenté un monde jusqu'alors quasi inconnu ou ignoré par la littérature, celui des songes, dans lequel le poète évolue comme une âme en proie au cauchemar.
[...] La figure du poète-rêveur : entre omniscience et ballottement Dans ce poème, s'il y a bien la présence d'un « je », le poète ne se manifeste jamais totalement en tant que lui-même, et est toujours omniscient ou inconscient, entre surconscience et ballotement. Le poète, à la fois ici et partout Tout d'abord, ce qui est frappant dans ce poème, c'est l'ubiquité du poète. Ce dernier est simultanément observateur et sujet du rêve, à la manière d'une décorporation (impression que l'esprit [HYPERLINK: http://fr.wikipedia.org/wiki/Esprit] se dissocie du corps physique pour vivre une existence autonome et explorer librement l'espace environnant). [...]
[...] Dès lors, il n'y a rien d'étonnant à ce que le poète cultive une esthétique du contraste, puisque c'est précisément elle qui va permettre de transcrire la profondeur et la complexité des sentiments humains. La poésie est donc à l'image du rêve que le poète essaie de capter : un mélange de sublime et de morbide, d'idéal et de cauchemar. La Beauté est celle d'un entre-choc. En somme, nous pouvons dire que ce poème en prose préfigure déjà une sensibilité romantique en faisant du poète le rêveur de sa poésie, une poésie de l'irrationnel, où le poète sent tout, mais où la raison semble abandonner l'âme. [...]
[...] De même, l'indistinction des visages traduite par la synecdoque « grouillant de capes et de chapeaux » montre bien le caractère brumeux du rêve, mais une brume terrifiante. Le rêve prend alors des tournures de douloureux cauchemar, douleur autant physique avec des adjectifs comme « percée » « tortueux » (l.3, dans lequel on entend à la fois le verbe « tordre » et le verbe « tuer »), « pendue » (l.12), etc. ; que psychologique avec des termes comme « plaintifs » « sanglots » « rires féroces » ou « bourdonnantes » (l.8). [...]
[...] Symboliquement, elle est donc cette femme « que son amant a tuée » (l.15) dans son pacte diabolique l'ayant poussée à vendre son âme dans l'espoir d'un rêve (la jouissance sensible). Ironiquement, cette figure fantastique du démon, Dom Augustin Calmet en a consacré un ouvrage en 1746 intitulé Dissertation sur les apparitions des anges, des démons et des esprits et sur les revenans, et vampires de Hongrie, de Bohême, de Moravie et de Silésie. Le nom de Dom Augustin, convoquant cet hypotexte, inscrit directement le poème dans le paranormal. [...]
[...] Une irrationalité à l'avant-garde du romantisme Enfin, nous pourrions déceler dans cette recherche de l'évasion et du ravissement dans le rêve et dans la poésie, une marque de l'avant-garde romantique qu'incarne Aloysius Bertrand. En effet, on sait à quel point l'esthétique romantique se caractérise notamment par une volonté d'exprimer de manière débridée les états d'âme de l'artiste. Dans ce poème, de manière très nette, le ressenti prend le pas sur la raison, en témoignent toujours les mêmes incises aux lignes et 10. [...]
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