Commentaire composé (niveau Seconde) entièrement rédigé de l'incipit de La Vie devant soi d'Emile Ajar alias Romain Gary. Ce roman met en scène le jeune Momo élevé par une vieille prostituée, Madame Rosa, à laquelle il restera attaché jusqu'à sa mort.
[...] A partir de cette langue apparemment enfantine, Ajar crée un ton très original qui mêle l'humour et le pathétique. Ainsi, la présentation de Madame Rosa "avec tous ces kilos qu'elle portait sur elle et seulement deux jambes" fait nécessairement sourire car les "kilos" apparaissent comme des paquets qui surchargent Madame Rosa et avoir "seulement deux jambes" est une vérité d'évidence, on ne peut pas en avoir plus! De même, la formule "une femme qui aurait mérité un ascenseur" est amusante car on ne "mérite" pas un "ascenseur": ce verbe implique qu'on a réalisé un acte qui entraîne une récompense, or Madame Rosa n'a rien "réalisé" d'exceptionnel, elle est seulement trop grosse ce qui ne nécessite pas une récompense! [...]
[...] Sur le plan physique, on imagine donc Mme Rosa assez disgracieuse par cette obésité qui contraste avec le charme de son nom ou prénom "Rosa". Toutefois, le narrateur ne s'intéresse pas à l'aspect esthétique de ce surpoids, il s'en inquiète surtout sur le plan pratique car il rend les déplacements de Mme Rosa extrêmement pénibles. Elle habite en effet au sixième étage d'un immeuble sans ascenseur et "grimper les six étages" devient pour elle une sorte d'escalade d'autant plus difficile que "sa santé n'était pas bonne non plus". [...]
[...] Ajar donne également peu d'informations sur la personnalité de Mme Rosa. Il ressort surtout de l'incipit que ce personnage se plaint beaucoup. Elle se plaint essentiellement de l'escalier qu'elle doit monter: "elle le rappelait" aux enfants et leur disait qu'elle "allait mourir dans cet escalier", plaintes compréhensibles mais confidents peu appropriés et qui en paraissent très effrayés puisque "tous les mômes se mettaient à pleurer". A travers ces plaintes auprès des enfants, on peut mesurer l'épuisement physique et moral de cette femme, sa solitude et son désarroi. [...]
[...] Même si Madame Rosa l'aime quand même, elle ne s'occupe pas de lui seulement par amour, il est pour elle une source de gain et Momo se sent comme une marchandise qu'on "paye". Cette découverte bouleverse son univers affectif et le laisse désemparé, trahi, plus abandonné encore, comme seul au monde puisqu'il n'a plus "quelqu'un", c'est- à-dire un parent spécifiquement à lui. L'intensité de ce drame et de sa douleur s'exprime de façon pathétique par les pleurs de "TOUTE une nuit". [...]
[...] Ajar crée donc deux personnages à la fois émouvants et pathétiques dans leur détresse mais il évite le mélodrame par l'originalité de la narration. Comme dans d'autres romans contemporains, l'auteur n'est pas le narrateur ; celui-ci est Momo, un enfant, et Ajar réussit à créer un récit qui donne l'illusion d'être construit et raconté par un enfant, véritable gageure pour un écrivain adulte. Le récit est d'abord original par sa construction. Les quatre paragraphes ne s'enchaînent pas vraiment logiquement, ils sont juxtaposés sans articulations logiques et ils évoquent successivement Madame Rosa, le narrateur, puis de nouveau Madame Rosa, et le narrateur. [...]
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