Le savoir est souvent synonyme de pouvoir. Les humanistes déjà, au XVIème siècle, considéraient que la connaissance était un gage de liberté et d'épanouissement aussi tenaient-ils en haute considération le livre, véhicule récemment inventé du savoir. Toutefois, il est bien sûr nécessaire, pour apprendre du livre, de le comprendre. C'est pourquoi François Rabelais dans son prologue du Gargantua cherche manifestement à fournir un véritable mode d'emploi de son roman au lecteur (...)
[...] Une bonne conduite Rabelais reprend le principe du parallélisme pour établir les similitudes mais se montre, dans le dernier paragraphe, plus injonctif à l'égard du lecteur vous devrez En effet, associant définitivement l'os et le livre dans l'expression antithétique livre de haute graisse l'auteur rappelle la conduite à tenir pour bien lire précisant notamment que le lecteur doit interpréter ce qui n'est que suggéré par «des symboles pythagoriciens (49). Le lecteur est invité à rechercher la fameuse substantifique moelle c'est-à-dire ce qui est caché sous une couche sans intérêt. Rabelais assume ici, et revendique, une écriture allégorique tout en l'illustrant puisqu'il use de la mise en abyme. En effet, il évoque un texte dont les grossièretés ne doivent pas faire manquer les qualités cachées et il met ce principe en œuvre associant la trivialité à la clé de la seule lecture efficace qui soit. [...]
[...] Or, l'auteur du Gargantua associe les petites boîtes au célèbre philosophe, dans une laideur extérieur commune. L'extérieur de la boîte est orné de peinture pour faire rire les gens (L. 12) et l'illustration est nette par les accumulations harpies, satyres cerfs attelés portées par l'égalité des rythmes égaux, deux syllabes harpies-satyres quatre syllabes oisons bridés, lièvre cornus et trois syllabes canes battées, boucs volants, cerfs attelés pour illustré la pluralité des thèmes comiques mais aussi ce qu'ils peuvent avoir d'inattendu comme le suggèrent les relations antithétiques telles que lièvres cornus ou boucs volants ».Socrate, apparaît lui aussi comme particulièrement repoussant et l'hyperbole »vous n'en auriez pas donné une pelure d'oignon (L.17) est révélatrice de sa laideur. [...]
[...] La démarche est diamétralement opposée, mais elle est une incitation tout aussi efficace à l'exercice de l'esprit critique. [...]
[...] Et c'est, de surcroît, Platon lui-même qui manie ce puissant superlatif relatif. De la même manière, Rabelais ne redoute pas, d'associer la vérole à d'éminentes figures de philosophes, Platon (L.3) et Socrate dans une même phrase pourtant les philosophes grecs sont, et c'est notoire, d'incontournables références pour les humanistes. Rabelais est manifestement désireux d'engager le lecteur dans une réflexion qui lui permettra de dépasser le stade de l'impression première, de l'a priori. Aussi, développe-t-il le thème de la laideur extérieur. [...]
[...] Mais la légèreté, si typiquement rabelaisienne, est de mise comme à l'accoutumée. Par ailleurs, elle n'est pas étrangère au captatio benevolentiae, notamment si l'on songe à la volonté de l'auteur d'associer l'humour et l'enseignement, d'appliquer le principe du docere et delectra Des lecteurs taxés d'hédonismes Aussi, sur un ton gaulois en vient-il à définir ses lecteurs comme des hédonistes. En effet, si nous avons plus haut que l'auteur complimentait ses lecteurs par des termes élogieux, les noms auxquels ils sont associés sont pourtant surprenants ainsi buveurs et vérolés On notera que Rabelais développe le thème de la boisson en évoquant Bacchus non sans l'avoir qualifié de bon et Silène (L.12) et en érigeant les lecteurs au rang de ses disciples au moyen d'une question rhétorique qui suggère une réponse affirmative évidente N'avez-vous jamais débouché un bouteille ? [...]
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