La détresse et l'incompréhension du vieux monarque est d'emblée mise en lumière, à travers la répétition de l'interjection « Holos » (= hélas), qui ouvre l'extrait et donne d'emblée le ton : il s'agit d'une sorte de monologue tragique ; le lecteur se trouve confronté à l'affolement et au tiraillement intérieur d'un roi pacifiste. L'anaphore de « hélas » place Grandgousier aux côtés des grands héros tragiques ; son propos se place résolument sous le signe de la plainte et de la lamentation, du moins dans un premier temps (...)
[...] Le personnage fait retour sur soi et se lance dans une entreprise d'introspection, comme l'indique le ternaire de tout temps, de toute race et alliance avec des termes catégoriques destinés à montrer à quel point il est incroyable que Picrochole l'ait trahi : Grandgousier, bon roi, ne veut pas croire à la trahison, et souligne avec force la dimension intemporelle de leur amitié : non seulement les deux hommes étaient liés par une amitié de cœur, mais aussi par une amitié politique (si l'on peut dire leurs relations étaient placés sous le signe d'une bonne entente qui promettait d'être éternelle ; or, manifestement, l'attachement intime n'a pas résisté à une querelle de portée politique C'est, pour Grandgousier, une bien amère désillusion : on comprend qu'il se refuse d'abord à voir la vérité en face Puis, il tente de comprendre les motifs de Picrochole, tout en niant subtilement sa responsabilité dans cette affaire, comme le souligne une structure anaphorique qui renvoie à des entités mystérieuses qui auraient manipulé Picrochole comme un simple pantin : Qui le meut ? qui le point ? qui le conduit ? qui l'a ainsi conseillé ? [...]
[...] Le lyrisme est toujours de mise, à travers les interjections redondantes Ho ho ho ho qui montrent largement la violente émotion du vieux roi, profondément déstabilisé. Une fois encore, il change d'interlocuteur ; cette fois, il se tourne non plus vers Dieu vers ses bonnes gens Il met alors en valeur les liens qui l'unissent à ses sujets, liens éminemment apaisés et harmonieux : mes amis, et mes féaux serviteurs Ici, il est bien sûr fait allusion au pacte féodal : Grandgousier apparaît ci comme un monarque paternel et bienfaisant, très soucieux du bien de son peuple : aussi cherche-t-il avant tout à le protéger et à éviter la guerre, d'où le retour de la modalité interrogative 22). [...]
[...] Ensuite, il recherche la solution la plus adaptée, et réagit activement. * Problématique Il s'agira de mettre en lumière, dans ce moment très pathétique de déchirement, la démonstration politique qu'effectua Rabelais en filigrane : Grandgousier apparaît comme un monarque chrétien exemplaire, idéal. La détresse et l'incompréhension du vieux monarque est d'emblée mise en lumière, à travers la répétition de l'interjection Holos hélas), qui ouvre l'extrait et donne d'emblée le ton : il s'agit d'une sorte de monologue tragique ; le lecteur se trouve confronté à l'affolement et au tiraillement intérieur d'un roi pacifiste. [...]
[...] Désormais, Grandgousier sait ce qu'il convient de faire Pourtant, il va falloir tout tenter, avant d'entreprendre quoi que ce soit, pour maintenir la paix, qui constitue évidemment l'objectif et la priorité de tout bon prince chrétien et humaniste qui se respecte : la guerre ne doit être que défensive et doit rester le dernier recours :c'est ce qu'indiquent les dernières lignes de son discours 31-33). Il s'agit désormais de passer à l'action, après ce long mais nécessaire mouvement d'introspection, ce que souligne l'adverbe Adoncques qui insiste d'ailleurs une fois encore sur le caractère logique de l'enchainement des pensées et des actes de Grandgousier. Contrairement à Picrochole, Grandgousier prend le temps de convoquer son conseil : la décision, très importante, ne sera pas le fait de sa seule personne mais d'une délibération , d'un choix en commun. [...]
[...] Dans sa détresse, Grandgousier, après s'être adressé à ses bonnes gens se tourne désormais vers Dieu et appelle son secours, avec beaucoup d'insistance, avec le vocatif construit sur un rythme binaire : Mon dieu mon sauveur ; l'appel à l'aide est aussi signifié avec beaucoup de force, avec le ternaire injonctif et suppliant aide moi, inspire moi, conseille moi à ce qu'est de faire toute l'abnégation du monarque envers Dieu transparaît ici. Le discours prend ici le ton tout à fait solennel et tragique de la prière : ainsi me sois tu favorable (l.8-9). C'est une véritable supplique. [...]
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