On verra que cette page va de l'obscénité à un érotisme teinté d'humour. Si le comique est présent, il est une composante d'un jeu qui débouche sur une poétisation de la sexualité et qui caractérise la relation établie entre le narrateur, Alcofribas, et son lecteur. Pour savoureuses qu'elles soient, ces lignes ne sont pas sans rapport avec la réflexion humaniste sur l'éducation et on analysera la position de Rabelais par rapport à celui qu'il considérait comme « son père et sa mère », Érasme.
[...] Gargantua, Chapitre XI, De l'adolescence de Gargantua - Rabelais (1534) - La joyeuse éducation sexuelle de Gargantua est-elle condamnée ? - Depuis : « Et savez-vous quoi, les gars {Et sabez quey, hillotz} ? jusqu'à la fin du chapitre : « des ailes d'un moulin à vent de Mirebeau {Myrebalais} ? » Introduction Pendant son enfance, Gargantua voit ses gouvernantes jouer un rôle d'éveil dans deux domaines typiquement rabelaisiens : le vin et la sexualité. Très tôt (dès un an et dix mois), il montre un goût prononcé pour la « purée septembrale1 » : « [?] elles [ses gouvernantes], considérant cette complexion divine, pour le réjouir, au matin, faisaient devant lui sonner des verres avec un couteau, ou des flacons avec leur bouchon {toupon} [?] » (chapitre 7). [...]
[...] À la beauté s'ajoute l'effet de surprise : la taille est proportionnée au gigantisme. Dans l'ornementation précédente aucune mention n'était faite des dimensions. Dans la phrase finale la présence du diminutif « moulinet {virollet} » à côté du mot « moulin » rappelle le jeu sur les proportions qui existe depuis le début du roman. Ajoutons enfin que la comparaison avec « les petits enfants du pays » donne un caractère débonnaire à la scène. B. La liste des surnoms On peut voir encore dans cette corne d'abondance un symbole de l'écriture rabelaisienne, elle aussi riche et variée. [...]
[...] Conclusion L'éducation sexuelle de Gargantua est racontée de façon joyeuse : l'obscénité y est assez rare, la création verbale l'emportant. La page est donc pittoresque, mais, comme nous y a invité l'auteur dans le prologue, on peut être tenté de chercher le sérieux derrière la fantaisie. De fait, on trouve ici l'écho de la condamnation par Érasme des jeux sexuels dont se rendent coupables les gouvernantes. Mais Rabelais ne manifeste pas de réprobation. On pourrait penser aussi que Rabelais illustre ainsi une tradition populaire et comique où « la femme est essentiellement liée au bas corporel14 ». [...]
[...] La décoration ou l'esthétisation du sexe Au chapitre l'énorme braguette de Gargantua a été décrite par le menu. Entre autres détails, les « deux belles boucles d'or » enchâssés d'une grosse émeraude, expliquent que, dans notre page l'expression « elle levait les oreilles ». Surtout, associée à la vie et à la beauté, elle est comparée à « une belle corne d'abondance [ . ] toujours fleurissante, toujours fructifiante, pleine de fleurs, pleine de fruits, pleine de toutes délices . il la faisait bon voir » Cette qualité visuelle est portée au plus haut point avec les gouvernantes qui la décorent de manière à en faire une ?uvre d'art : « laquelle chaque jour ses gouvernantes ornaient d'un beau bouquet, de beaux rubans, de belles fleurs, de beaux pompons {flocquars} [?] ». [...]
[...] '' » Cette rivalité est elle aussi, une rivalité pour rire puisqu'on les voit toutes parvenir à leurs fins : « [?] chaque jour ses gouvernantes [?] passaient leur temps à la faire revenir entre leurs mains comme un bâtonnet d'apothicaire {magdaleon d'entraict}, puis [elles] s'esclaffaient de rire quand elle levait les oreilles, comme si le jeu leur eût plu. » La comparaison avec le cylindre que les apothicaires utilisaient pour faire des emplâtres9 suggère que la pratique est destinée à faire du bien au géant, comme à elles-mêmes. En effet, elles rient de ce jeu érotique. Ce rire, qui est aussi celui du lecteur, illustre la définition de Bergson, le comique c'est de la mécanique plaquée sur du vivant. C. La paillardise de Gargantua Cet abandon de Gargantua aux gouvernantes délurées n'est cependant pas seulement comique. Il fait écho à la réflexion sérieuse d'un des maîtres de Rabelais, Érasme. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture